La participation du Prophète (saws) à la reconstruction de la Ka'ba

 

Muhammad avait 35 ans, lorsqu'un événement suscita à la Mecque un réveil de la vie spirituelle : un jour où l'on parfumait avec de l'encens la Ka'bah, une étincelle fut jetée par le vent sur les rideaux de toile autour du sanctuaire, et le bâtiment fut incendié. Bientôt après, les pluies causèrent une inondation, et la construction affaiblie par le feu ne put y résister.

La religion mecquoise était bien dégénérée à cette époque. Rappelons, par exemple, un incident cité par Ibn Habibl: Quelques tribus de Médine vinrent à la Mecque pour conclure une alliance avec les Quraichites ; tout était terminé lorsqu'on apprit aux visiteurs médinois qu'il était de coutume chez la jeunesse de la Mecque, lors même de la prière autour de la Ka'bah, de courtiser et embrasser les belles filles ; selon l'auteur, ce n'était là qu'un prétexte pour rompre l'alliance déjà conclue, mais la légèreté avec laquelle les Mecquois parlèrent de ces choses indique bien leur décadence morale. On peut se référer également au fameux incident d'Isâf et de Nâ'ilah2. Voir infra § 172.

Le conseil municipal se réunit bientôt pour préparer la reconstruction. Tout le monde fut d'accord pour demander aux habitants une contribution spéciale ; on décida également de n'accepter aucun don provenant de gains immoraux, comme usure, prostitution, etc.

A la saison de pluies, il y eut une tempête sur la mer, et un navire byzantin, portant des matériaux de construction de l'Egypte au Yémen, afin d'y bâtir une église, échoua en naufrage sur la côté du Chu'aibah, port de la Mecque. En apprenant la nouvelle, les Mecquois coururent au port, donnèrent l'hospitalité aux naufragés et renoncèrent aux douanes habituelles si les victimes consentaient à vendre ce qu'ils pourraient sauver des épaves, y compris les planches du bateau. Ils achetèrent ainsi une certaine quantité de marbre, de fer et de bois. Parmi les naufragés, Bâqûm, un charpentier copte, décida de s'installer à la Mecque et d'y pratiquer son métier. Les Mecquois furent heureux de tout celai.

Pour reconstruire, il fallait démolir les ruines ; on hésita longtemps par superstition. Enfin un des vénérables de la ville s'avança, et, prononçant des formules pieuses, donna le premier coup. Les autres attendirent quelque peu, puis ne voyant aucun mal tomber sur le « destructeur » de la maison de Dieu, ils se mirent eux aussi au travail de déblaiement. Nos sources nous disent qu'on arrêta la démolition aux bases qu'Abraham avait posées lors de la construction originelle, bases faites de pierres vertes, et que l'on décida de rebâtir le sanctuaire sur l'ancien emplacement.

La Ka'bah était un cube, une chambre à quatre murs. Les matériaux rassemblés étant insuffisants pour ériger un bâtiment semblable à celui qui datait dAbraham, on décida d'en couvrir une certaine partie et d'en laiser une autre sans toit. On décida d'augmenter la hauteur par rapport au bâtiment détruit, et de placer la porte d'entrée de telle façon que l'accès exigeât une « passerelle », ce qui devait rapporter de l'argent au fonctionnaire détenant la clé de la porte. Dans la partie sans toit, l'accès était libre, et on l'employait pour prêter des serments et autres actes solennels. Lorsque les murs commencèrent à s'élever et que vint l'heure de mettre la sainte Pierre Noire à sa place, s'ouvrit une grave querelle : Chacun des clans en voulait avoir l'honneur. D'aucuns allèrent jusqu'à apporter un récipient plein de sang, et en jurant de ne jamais céder, ils léchèrent ce sang. Le travail s'arrêta, jusqu'à ce qu'un vieux notable suggéra de soumettre le différend au sort et dit : < Laissons-l

e à Dieu, et acceptons comme arbitre la première personne qui va venir maintenant ici. Le hasard voulut que ce fût Muhammad. On avait confiance en son honnêteté. Il fit apporter une étoffe, l'étendit sur la terre, plaça la pierre sur l'étoffe, et appela les représentants de toutes les tribus pour soulever l'étoffe ; puis il mit la pierre lui-même à l'endroit voulu. Tout le monde en fut contents.

Un dernier incident à mentionner : les ouvriers qui apportaient les pierres pour la construction des murs, enlevaient leurs pagnes, les pliaient, et les mettaient sur leurs épaules pour ne pas être égratignés par des pierres. Muhammad ne le fit pas et eut les épaules blessés. A la suggestion de son oncle `Abbâs, il le fit, et la tradition dit qu'il tomba aussitôt évanoui pour s'être mis à nu. Il se recouvrit immédiatement et ne recommença plus.

La construction terminée, on la décora de statues et de fresques à l'intérieur comme à l'extérieur. On mentionne à l'intérieur les figures de la Madonne et de l'Enfant Jésus, ainsi que celles d'Abraham et d'Ismaël. On nous parle également de 360 idoles autour de la Maison d'Allah, la Ka'bah. L'édifice, construit pour le Dieu unique, devint ainsi un panthéon. Cela dut donner beaucoup à réfléchir à ceux des habitants qui avaient une notion plus élevée de la religion, et qui virent les pratiques religieuses dégénérer en culte d'idolâtrie pure et simple.

On avait appris à la Mecque comment les Banû Hanîfah, de l'Arabie orientale, avaient élevé une idole géante composée de farine et de dattes, et comment lors d'une famine ils étaient allés jusqu'à la couper en morceaux et la mangers. Dans le désert, s'il n'y avait pas de pierres, les Bédouins trayaient leurs chamelles même sur un amas de sable, puis y pratiquaient les actes d'adoration. Quelquefois, ils offraient aux idoles leurs produits laitiers (beurre, etc.. Les hommes, dans leur superstition, ne touchaient point à ces offrandes, mais il n'en pouvait être ainsi avec les chiens de la tribu, qui les léchaient et ensuite urinaient même sur les pauvres idoles.

Quel homme intelligent n'y trouverait à quoi réfléchir sur la puissance attribuée aux idoles ? A la Mecque même, on raconte qu'un certain individu prenait de jolies pierres pour les adorer, et chaque fois qu'il trouvait une pierre plus jolie, il jetait l'ancienne devenue sans valeur à ses yeux, et prenait la nouvelle comme objet de son culte.

---------

D'après Jâbir ibn 'Abd-Allah (qu'Allah soit satisfait des deux), alors que l'Envoyé d'Allah transportait a$vec Al-'Abbâs des pierres pour la reconstruction de la Ka'ba, Al-'Abbâs lui dit: "Pourquoi ne pas enlever ton izâr (pagne) et le mettre sur tes épaules au-dessous des pierres?". Le Prophète ôta son vêtement; le plaça sur ses épaules, mais il tomba bientôt évanoui; fixa ses yeux sur le ciel; puis se leva en s'écriant: "Mon izâr! Mon izâr". Il le remit ensuite autour de ses reines. (mouslim n°514)

<<<

acceuil

>>>