Safiyya bint Houyay
Son nom et sa généalogie
Elle s'appelle Safiyya bint Houyay Ibn Akhtab Ibn Sa'yah Ibn Tha'labah Ibn 'Ubayd Ibn Ka'b Ibn Al-Khazraj Ibn Abî Habîb Ibn An-Nadîr Ibn An-Nahâm - on dit aussi Ibn Nâkhûm, ou encore Yankhûm, ou enfin Nakhûm. Ils descendaient des enfants d'Israël de la lignée de Lévi fils de Jacob puis de Hârûn (Aaron) le frère de Moïse. Sa mère s'appelle Burrah bint Samuel. Elle fut l'épouse de Mishkam le juif puis de Khalaf.
Sa conversion et son mariage avec le Prophète
Safiyya bint Houyayy épousa le Prophète Mouhammad
en l'an 7 de l'Hégire. Elle avait alors dix sept
ans et lui soixante. Son mariage, comme pour Juwayriyya bint Al-Hârith, eut lieu après une grande bataille de l'Islam, en
l'occurrence celle de Khaybar.
Bilâl faisait partie de cette expédition. A la fin du combat, il présenta deux femmes au Prophète. Sur leur chemin,
lui et ses deux prisonnières avaient dû traverser le champ de bataille et passer près des guerriers tués pendant le combat. L'une
des femmes hurlait et se couvrait le visage de poussière alors que l'autre était muette d'effroi.
La deuxième femme n'était autre que Safiyya, la fille de Houyayy Ibn Akhtab, le chef des Banû An-Nadîr qui avaient été expulsés
de Médine en l'an 4 de l'Hégire pour avoir comploté contre le Prophète (ils avaient projeté de le tuer en laissant tomber une pierre
sur sa tête alors qu'il discutait avec leurs chefs). Par ailleurs, Safiyya était une descendante de Hâroun , le frère du
Prophète Moise
. La femme bruyante qui l'accompagnait était sa cousine.
Le Prophète Mouhammad demanda à ce que l'on s'occupe de la cousine et plaça la cape qu'il portait sur les
épaules de Safiyya dont l'époux venait d'être tué pendant la bataille. C'était un simple geste de compassion, mais à partir de ce moment-là, elle
fut honorée et tenue en haute estime par la communauté musulmane. Le Prophète
se tourna ensuite vers Bilâl et
lui dit : "Bilâl, est-ce qu'Allah a enlevé toute pitié de ton cœur pour que tu fasses passer ces femmes à l'endroit même où leurs
hommes ont été tués ?" A en juger les rares critiques que le Messager d'Allah
émettait sur le comportement de
ceux qui le servaient, il s'agissait là d'une sévère réprimande. Anas Ibn Mâlik racontait : "J'ai servi le Messager d'Allah
pendant huit ans. Pas une seule fois il ne m'a fait de reproche sur ce que j'avais fait ou ce que je n'avais pas
fait".
Tout comme Umm Habîbah, Safiyya était la fille d'un grand chef. Seul le Prophète pouvait empêcher qu'elle
passe d'un haut rang à celui d'esclave. Bien que son père ait planifié l'assassinat de Mouhammad
après la
bataille de Ouhoud et qu'il ait comploté avec les Banû Quraydhah l'extermination de tous les Musulmans pendant la bataille du
Fossé, le Prophète Mouhammad
ne nourrissait aucun sentiment d'inimité. Pour ceux qui déviaient, il ressentait de
la pitié plutôt que de la colère et pour les innocents, il éprouvait davantage de compassion.
Safiyya accepta immédiatement l'invitation à l'Islam du Prophète Mouhammad . Une fois affranchie, il l'épousa.
Certains peuvent se demander comment Safiyya put accepter l'Islam et épouser le Prophète
alors que son père
avait été un ennemi acharné et que le sang avait abondamment coulé entre Juifs et Musulmans. On peut trouver des éléments de
réponse dans ce que Safiyya relatait de sa jeunesse en tant que fille du chef des Banû An-Nadîr.
Elle disait : "J'étais la favorite de mon père et de mon oncle Yâsir. Chaque dois que j'étais en compagnie de l'un de
leurs enfants, ils me portaient dans leurs bras. Quand le Messager d'Allah
arriva à Médine, mon père et mon
oncle allèrent le voir. C'était très tôt le matin, entre l'aube et le lever du soleil. Ils revinrent bien plus tard. Ils étaient
complètement usés et déprimés, et rentraient d'un pas lourd et lent. Je leur souris comme toujours, mais ni l'un ni l'autre ne fit
attention à moi parce qu'ils étaient si misérables. J'ai entendu Abû Yâsir demander à mon père :
" - Est-ce lui ?
- Oui c'est bien lui.
- L'as-tu reconnu ? En es-tu sûr ?
- Oh oui ! Je ne l'ai que trop bien reconnu.
- Qu'éprouves-tu à son égard ?
- De l'hostilité ! De l'hostilité à jamais".
Cette conversation fait évidemment référence à la Torah des Juifs. Elle prédisait la venue d'un Prophète qui allait mener ceux qui
le suivraient à la victoire. Avant l'arrivée du Prophète Mouhammad à Médine, les Juifs avaient pour habitude de
menacer les adorateurs d'idoles de Yathrib à la venue du Messie. Avec lui, ils prétendaient exterminer les tribus qui refusaient de
croire en Dieu. Le Prophète Jésus
avait été clairement décrit dans la Torah sans pour autant être accepté par les
Juifs quand il vint à eux. De même, la Torah décrivait clairement le dernier Prophète de sorte que les Juifs puissent le reconnaître
aisément. Ainsi Ka'b Al-Ahbâr, l'un des Juifs de l'époque qui avait embrassé l'Islam racontait que ce Prophète était décrit dans la
Torah en ces termes :
"Mon serviteur, Ahmad, l'Elu, naîtra à la Mecque puis émigrera vers Médine (ou Tayyibah - une des autres appellations de Yathrib). Sa communauté sera celle qui louera Allah à tout moment".
'Amr Ibn Al-'Âs rapportait qu'on peut lire aussi dans la Torah : "O Prophète, Nous t'avons envoyé afin que tu témoignes, que tu apportes la bonne nouvelle, que tu mettes en garde et que tu sois un refuge pour les illettrés. Tu es Mon serviteur et Mon messager. J'ai fait de toi un soutien pour les gens. Tu n'es ni grossier ni vulgaire, tu ne colportes pas les commérages, tu ne réponds pas au mal par le mal, tu absous plutôt et pardonnes. Allah ne le rappellera à Lui avant d'avoir redréssé la communauté déviante. Ce jour-là, elle dira : "Il n'y a d'autre dieu que Lui". Avec lui, les aveugles verront, les sourds entendront et les cœurs scellés s'ouvriront".
Ces passages de la Torah ont convaincu le plus érudit des rabbins juifs, 'Abdullah Ibn Salâm d'embrasser l'Islam lorsqu'il vit
Mouhammad . Ce sont également ces détails qui avaient permis à Houyayy Ibn Akhtab de le reconnaître.
Toutefois, Houyayy comme la majorité des Juifs était profondément déçu que le dernier Prophète
- soit un
descendant d'Isma'il et non d'Ishâq (à savoir les deux fils du Prophète Ibrâhîm, que la paix soit sur eux). Ils proclamaient être les
descendants exclusifs d'Ishâq, par son fils, Ya'qâb (connu également sous le nom d'Israël), qui eut douze fils donnant les douze
tribus d'Israël.
Au-delà du refus de l'origine du dernier Prophète, Houyayy n'appréciait pas l'idée de perdre son emprise et son pouvoir sur son
peuple. C'est pourquoi il était déterminé à secrètement lutter contre le Prophète Mouhammad . Lui et les autres
chefs juifs concluaient, en effet, des traités de paix avec les Musulmans et se hâtaient de les rompre aussitôt que cela leur
semblait favorable de le faire.
Malgré sa parenté avec Houyayy, Safiyya avait un cœur pur. Elle avait toujours souhaité adorer son Créateur et Seigneur, Celui
qui avait envoyé Moise, Jésus, et enfin Mouhammad (que la paix soit sur eux tous). Ainsi, saisit-elle immédiatement l'occasion de
suivre le dernier Prophète et de l'épouser. Safiyya avait certes trouvé en Mouhammad le plus doux et le plus
prévenant des époux, sans pour autant être bien acceptée par ses autres épouses, particulièrement à son arrivée. Anas rapporta
qu'un jour le Prophète
trouva Safiyya en train de pleurer. Quand il l'interrogea sur la cause de ses larmes, elle
répondit qu'elle avait entendu Hafsah la décrire de façon peu flatteuse comme " une fille de Juif ".
Le Prophète rétorqua : "Tu es assurément la fille d'un Prophète (Hâroun), la nièce d'un Prophète (Moise), et
l'épouse d'un Prophète (Mouhammad). Y-a-t-il là de quoi être méprisant à ton égard ? " Il dit ensuite à Hafsah : " Ô Hafsah, crains
Dieu ! "
Un jour, le Prophète voyageait en compagnie de Safiyya et de Zaynab bint Jahsh. Le chameau de Safiyya se blessa. Zaynab ayant
un chameau supplémentaire, le Prophète lui demanda de le donner à Safiyya . Zaynab répondit : "Devrais-je donner à cette
Juive"? De colère, le Prophète se détourna d'elle pendant deux ou trois mois afin de lui exprimer son désaccord.
Son comportement durant la maladie de mort du Prophète
Quelques trois années plus tard, quand Mouhammad arrivait au terme de sa vie, Safiyya compatissait
profondément et sincèrement : " Ô Messager d'Allah, si seulement je pouvais souffrir à ta place. " Certaines de ses épouses la
prirent à la légère ce qui agaça le Prophète. Il s'exclama : "Par Allah, elle dit vrai !"
Sa vie après la mort du Prophète
Même après la mort du Prophète , elle connut de moments difficiles. Une de ses esclaves alla trouver le
Commandeur des Croyants Omar pour lui dire : " Ô Commandeur des Croyants ! Safiyya aime le shabbat et elle conserve des
liens avec les Juifs ! " Omar s'en enquit auprès de Safiyya qui lui répondit : "Je n'aime plus le shabbat depuis qu'Allah l'a remplacé
par le vendredi. Les seuls contacts que j'aie conservés avec les Juifs sont ceux de ma famille." Elle interrogea sa servante pour
savoir ce qui l'avait poussée à mentir à Omar. Elle répondit : "C'est le diable" Alors Safiyya l'affranchit.
Sa mort
Safiyya vécut avec le Prophète pendant environ quatre ans. Elle n'avait que vingt et un ans quand le Prophète
mourut. Elle resta veuve les trente neuf années qui suivirent. Elle décéda à son tour en l'an 50 de l'Hégire (selon
une autre opinion, elle décéda en 36 A.H.) à l'âge de soixante ans - puisse Dieu être satisfait d'elle.