LE PROPHETE
Mohammed
La naissance du Prophète (saws)
Généalogie du Prophète (saws)
La lignée remontant du Prophète (saws) à 'Adnan est connue des biographes et des généalogistes. Cependant, la généalogie du Prophète (saws) remontant de 'Adnân à Ibrahim (as) fait l'objet de divergences ; elle est vague et incertaine. Notre noble Envoyé (saws) nous a lui-même mis en garde en disant : « Ne faites pas remonter ma lignée au-delà de 'Adnân » (Rapporté par El Souyouti).
Nous ne citerons donc seulement que la lignée du Prophète (saws) remontant jusqu'à 'Adnân. Elle est la suivante :
Mouhammad Ibn 'Abdallâh Ibn Abd Al-Mottalib Ibn Hâchem Ibn 'Abd Manaf Qocey Ibn Kilâb Ibn Morra Ibn Ka'b Ibn Louëy Ibn Ghâleb Ibn Fihr (surnommé Qouraych, et ancêtre de la tribu du même nom) Ibn Mâlik Ibn Nadr, surnommé Abou Qays, Ibn Kinâna Ibn Kouzeyma Ibn Moudrika Ibn Ilyês, Ibn Modar Ibn Nizâr Ibn Ma'add Ibn 'Adnân.
'Abd Al-Mottalib, grand-père du Prophète (saws), a engendré 10 fils :
'Abbâs, Hamza, 'Abdallâh, qui est le père du Prophète (saws), Abou Tâlib, El Zoubeyr, Hârith, Hajla, Mouqqawim, Dirâr et Abou Lahab.
Ses filles, au nombres de 6, sont : Oum Al-Hakîm, aussi appelée Al Baydâ ; Barrah, 'Atikah, Safiya, Arwa et Oumaima.
D'autre part vivait à la Mecque une femme nommée Âmina Bent Wahb Ibn 'Abd Manaf Ibn Zahra Ibn Kilab, une femme Qoureychite. Elle était considérée comme la meilleure des femmes Qoureychites de part sa généalogie et de son rang social.
Mariage des parents du Prophète (saws) et naissance du Prophète (saws)
C'est à cette femme que 'Abd Al-Mottalib, le grand-père du Prophète (saws) choisit de marier son fils 'Abdallâh. Contrairement à la majorité des Qouraychs, leur union fut légitime, car celle-ci se fit sous la présence de témoins et tuteurs.
Ils vécurent à la Mecque et engendrèrent le Prophète (saws), qui naquit à la Mecque en l'an 53 avant l'Hégire (= 569 de l'ère chrétienne) 50 jours après l'événement de l'Eléphant.
Origine du prénom du Prophète (saws)
Un jour, 'Abd Al-Mottalib était en voyage au Shêm, accompagné de 3 hommes. C'est alors qu'ils rencontrèrent en chemin un Rabbin qui leur demanda de quelle ville ils venaient. Quand il su que ces hommes venaient de la Mecque, il leur répondit que de leur ville sortira un prophète, et qui s'appellera Mouhammad.
Espérant qu'il s'agisse du leur, ces hommes ont tous décidé de donner ce nom à leur prochain fils qui naîtra, ce que fit 'Abd Al-Mottalib pour son petit-fils, le Prophète (saws).
Quelques signes relatifs à la naissance du Prophète (saws) et annonçant sa mission future
A la Mecque
Quand Âmina engendra le Prophète (saws), un Ange vint lui dire : Tu viens d'engendrer le meilleur de cette communauté. Quand tu le mettras au monde, tu diras : « Je prie Dieu l'Unique de le protéger contre tout envieux. Le signe qui confirme ce que je dis est que sa naissance sera accompagnée d'une lumière qui éclairera les palais de Bosra au Shêm. Appelle-le alors Mouhammad, le loué, car dans la Thora il est appelé Ahmed. Il sera loué par ceux qui se trouvent aux cieux et sur la terre. »
Interrogé sur sa personne, le Prophète (saws) dira plus tard : « Je suis l'accomplissement du vou formulé par mon père Ibrahim et l'heureuse annonce faite par 'Issa. Et ma mère a vu, quand elle me porta, jaillir d'elle une lumière par laquelle lui étaient illuminés les palais de Shêm.»
Contrairement aux autres femmes, Âmina ne sentait rien des douleurs qui accompagnent les femmes au cours de leurs grossesses. C'est ainsi qu'elle n'était nullement affaiblie. Le Prophète (saws) naquit en s'appuyant sur ses mains et en levant la tête au ciel. Aussi, il (saws) était circoncis et son cordon ombilical était déjà coupé.
Notons qu'à sa naissance, l'Envoyé était orphelin de père car celui-ci tomba malade lors d'un voyage au Shêm, suite à quoi il décéda à Médine chez ses oncles. Cet événement se passa quelques semaines avant que le Prophète (saws) ne naisse.
En dehors de la Mecque
En Perse, le feu sacré qu'adoraient les Rois Mages s'éteignit et cela ne s'était pas produit depuis 1000 ans. Des églises s'écroulèrent autour du lac Sawa où elles plongèrent. Le rapporte de ces signes est d' At Tabari, d'Al Bayhaki et d'autres. La chaîne de transmission n'est cependant pas fixe et nette.
A Médine, Hassan Ibn Tâbit, qui sera plus tard le poète du Prophète (saws), raconte, dans son témoignage :
«J'étais dans la région où se trouvaient les juifs (à Médine), et 1 des Rabbins est monté sur un mur et s'est écrié : « Ô communauté de juifs ! Aujourd'hui est apparue l'étoile de Ahmed ! »
Les juifs avaient en effet l'habitude de scruter le ciel, car ils étaient très biens informés par les livres saints de la naissance prochaine d'un prophète, et savaient qu'à sa venue, il y aurait sur le ciel, une étoile qui n'apparaît qu'à sa naissance (saws).
La tutelle du Prophète (saws)
'Abdallâh, le père du Prophète (saws) est mort quelques semaines avant que son fils ne naisse. C'est son grand-père 'Abd Al-Mottalib qui s'occupa de l'enfant et de sa mère.
L'allaitement du Prophète (saws)
La 1ère femme à allaiter le Prophète (saws) fut sa mère, Âmina Bent Wahb.
La 1ère femme à allaiter Mouhammad (saws) après sa mère fut Thuwaibah, la captive affranchie de son oncle Abou Lahab. Ceci eut lieu pendant la période où elle allaita son propre fils, Masrouh.
Avant d'allaiter Mouhammad (saws), elle avait allaité Hamzah Ibn 'Abd Al-Mottalib, qui est donc son frère de lait, et ensuite Abou Sala-mah Ibn 'Abd Al-Asad Al-Makhzûmi.
Mouhammad chez les Béni Sa'd
Les arabes sédentaires avaient pour coutume de confier leurs enfants à des nourrices qui vivaient à l'extérieur de la Mecque dans le désert. Celles-ci les emmenaient chez elles jusqu'à un certain âge et les allaitaient.
Plusieurs raisons expliquent cette pratique:
- Lors des pèlerinages, les gens affluaient de différentes régions, d'où le mélange de différentes langues, ce qui pouvait ainsi entacher la langue arabe de leurs enfants. Mais les arabes attachaient beaucoup d'importance à la richesse et la pureté de leur langue qu'est la langue arabe, et voulaient donc que cette éloquence soit préservée. D'ailleurs, le Prophète (saws) exprima un jour sa fierté du fait de la noblesse de sa souche, en disant :"je suis le plus éloquent en arabe entre vous : je suis Qouraychite et fut mis en nourrice chez les Béni Sa'd".
- D'autre part, les Qouraychs, attendaient de ces pratiques l'acquisition d'un courage intrépide par leurs enfants, du fait de la difficulté de vie en dehors de la Mecque.
- Aussi, de nombreuses maladies étaient présentes dans les métropoles et il était plus prudent de les en écarter durant les premiers moments de leur vie.
Un contingent de la tribu de Sa'd Ibn Bakr, branche des Hawâzinites, se rendit alors à la Mecque. Parmi cette tribu se trouvait Halîma, future nourrice de Mouhammad, qui était très pauvre. A cause de sa monture maigre et fatiguée, elle arriva à la Mecque assez en retard sur les autres, et ne put trouver un enfant de riche. Personne n'avait voulu prendre
Mouhammad (saws) car celui-ci était orphelin. Les nourrices cherchaient évidemment les enfants dont les parents étaient riches. Ne voulant pas rentrer les mains vides, elle le prit alors, et ne le regrettera jamais...
Bénédictions chez les Béni Sa'd
La vie chez une nourrice nomade ne pouvait être que très simple : la tribu passait les différentes saisons en divers endroits; les enfants surveillaient toute la journée les troupeaux dans les pâturages, et jouaient ensemble ; les femmes ramassaient le bois pour la cuisine, entretenaient leurs foyers, et s'occupaient à filer. On se contentait quelquefois de dattes et de lait; parfois on mangeait des légumes, de la viande par exemple, et, lors des foires ou des visites aux « grandes villes » comme la Mecque, quelques friandises. Il pouvait y avoir des razzias et des guerres entre les tribus, mais nos sources n'en mentionnent aucune concernant la tribu de la nourrice Halîma.
Le jeune Mouhammad (saws) se comportait comme tous les autres enfants. On rapporte qu'un jour, pour une raison que les narrateurs ne mentionnent pas, il mordit l'épaule de sa sour de lait avec une telle vigueur que la trace lui resta toute sa vie, mais elle n'eut pas à regretter ! Plus tard en effet, dans une expédition, l'armée du Prophète fit un certain nombre de prisonniers, parmi lesquels se trouva Chaimâ', cette sour de lait. Lorsqu'elle rappela à Mouhammad (saws) l'incident et lui montra l'incision sur son épaule, il la reconnut aussitôt, et elle fut traitée avec tous les égards dus à une sour bien aimée (Ibn Hichâm.p. 856-857 ; Balâdhuri, § 161.).
La grande foire annuelle de 'Ukâz avait lieu dans la région. On y rencontrait quelquefois Halîma et son nourrisson, et l'on rapporte que Halîma demanda à un astrologue-devin de la tribu de Hudhail, qui exerçait son métier à la foire, de prédire le destin de l'enfant (Ibn Sa'd, I/I, p 98.)
La « fente de poitrine »
Alors que le Prophète (saws) avait 4 ou 5 ans, il se passa un évènement que raconte Halîma elle-même dans son récit: [...] Quelques mois après notre retour, alors qu'il gardait les moutons avec son frère de lait, derrière les tentes, celui-ci vint en courant nous dire :
Mon frère le Qouraychite vient d'être saisi par 2 inconnus habillés en blanc, qui l'ont mis à terre et lui ont ouvert le ventre ! Nous accourûmes vers lui. Il était debout et pâle.Je le serrai dans mes bras, ainsi que mon mari.
-Qu'as-tu mon enfant, lui dis-je ?
-Deux hommes habillés en blanc, dit-il, m'ont couché par terre et m'ont ouvert le ventre pour y chercher je ne sais quoi [...]
Le Prophète (saws) montrera plus tard la trace de sa cousure aux Compagnons (,), et Anas Ibn Mâlik (ra) témoignera en disant : J'ai vu la trace de la poitrine du Prophète.
Retour de Mouhammad chez sa mère
Après cet évènement, Al-Harith dit à sa femme qu'il vaudrait peut-être mieux rendre Mouhammad (saws) à sa mère, car celui-ci pensait qu'un mal l'avait atteint :
-Halîma, me dit mon mari, je crains que l'enfant ne soit atteint de quelque mal. Ramenons-le chez sa mère avant que sa situation ne s'aggrave. Ce que nous fîmes.
-Qu'est-ce qui t'amène, aimable nourrice? me dit sa mère. N'as-tu pas tenu à le garder ?
-Notre enfant, lui dis-je a atteint l'âge voulu et mon devoir est rempli. Je crains pour lui des imprévus. Je te le ramène dans les meilleures conditions désirées.
-Qu'a-tu donc ? me dit-elle. Dis-moi sans feinte ce qu'il en est.
Elle ne me laissa pas de faux fuyants pour cacher ce qui arrive, et je finis par lui dire la vérité.
-Crains-tu les mauvais esprits pour notre enfant ?
-Oui ! lui répondis-je. Par Allâh, me dit-elle, ils n'ont nulle prise sur lui. Mon fils a un grand destin. Veux-tu que je t'en parle ? Je vis, lorsque je le portais, sortir de moi une lumière qui me fit voir éclairer les palais de Bosra au Chêm. Ma grossesse fut la plus aisée. Quand il vint au monde, sa tête était vers le ciel et ses mains étaient posées sur le sol. Tu peux le laisser et repartir sans souci !
C'est ainsi que s'accomplit l'allaitement du Prophète (saws) chez les Béni Sa'd, Celui-ci dura 2 ans. Cette durée sera ensuite confirmée par l'islam (Coran, s2v233).
Mort d'Âmina
Âmina partit un jour avec son noble enfant pour Yathrib (Médine), afin de visiter ses oncles maternels, les Béni Najâr.C'est sur le chemin du retour qu'Âmina trépassa soudainement à Abwâ'; le Prophète (saws) n'avait alors que 6 ans. Plus tard, toutes les fois qu'il (saws) passait par Abwâ', au cours de ses expéditions, le Prophète (saws) s'arrêtait pour visiter le tombeau de sa mère, et versait d'abondantes larmes (Ibn Hichâm, p 107 ; Suhailî, I, 113.)
Rappelons ici un incident postérieur : un jour un visiteur nomade s'étant mis à trembler quand on le présentait au Prophète (saws), celui-ci de dire : « Pourquoi as-tu peur d'un homme dont la mère mangeait souvent de la viande séchée ? (Hâkim, Mustadrak, III, 48 ; Sarakhsî, Mabsûl, XVI, 79.)
On a conservé plusieurs poèmes d'Âmina (Ibn Sa'd, I/I, p.62 ; Balâdhuri, I, § 159 ; Ibn-Habîb, Munammaq p 422, etc.), et aussi d'autres parentes (Ibn Hicham, p 108-111.) de la famille de 'Abd Al-Mottalib, ce qui montre que le niveau intellectuel dans cette famille était assez élevé, même parmi les femmes.
Oum Aiman, l'affranchie de son père se chargea alors du Prophète (saws). Elle parvint à rentrer à la Mecque avec l'enfant, après avoir assisté à l'enterrement d'Aminah. Elle le remit à son grand-père, 'Abd Al-Mottalib, âgé alors de 108 ans, prit son petit-fils chez lui. Il fit donc son 2ème tuteur. Comme l'enfant avait perdu son père aussi bien que sa mère, l'affection du grand-père envers lui était naturellement très grande.
Et Voici quelques exemples témoignant des égards que portait 'Abd Al-Mottalib envers son petit-fils, ainsi que quelques autres anecdotes témoignant :
On rapporte que toutes les fois que 'Abd Al-Mottalib s'asseyait sur un tapis dans un conseil municipal pour discuter avec les autres conseillers des questions sérieuses, l'enfant Mouhammad aimait à laisser ses jouets et à venir assister au conseil; il voulait s'asseoir à la première place, à côté de son grand-père. Ses oncles le lui défendaient, mais le grand-père disait toujours : « Laissez-le ; il se croit un grand homme, et j'espère bien qu'il va l'être ; il est si sage.» (Ibn Hichâm, p. 108 ; Balâdhurî, I, § 143- Ibn al-Jauzî, Wafâ, p. 102, 120,130.)
Il était en effet bien sage, jamais l'assemblée n'eut à se plaindre qu'il les dérangeât. Le grand-père l'aimait tant qu'aux dires des chroniqueurs (Suhailî.1, 179 ; Balldhuri, I, §146.), un jour, lors d'une disette, il pria Dieu pour la pluie en Le suppliant au nom de son petit-fils, et il ne fut point déçu.
A l'âge de 7 ans, Mouhammad (saws) eut mal aux yeux, et les « médecins » de la Mecque ne purent le guérir. On rapporte que 'Abd Al-Mottalib se rendit alors au couvent d'un religieux chrétien, près de 'Ukâz, où on lui donna une prescription qui réussit très bien (Halabî, Insân, I, 149.)
C'est apparemment d'une époque postérieure que nous parle Al-Qifti (Akhbâr al Hukamâ ; ('Uyûm Al-Anbâ' éd. 1299), p 110 ; ibn Hajar, Isâbah, No 1471, § Haritch Ibn Kaladah.) lorsqu'il raconte qu'étant tombé malade, Mouhammad avait demandé à son ami Sa'd Ibn Abi-Waqqas de faire venir le médecin mecquois Al-Hârith Ibn Kaladah.
Le jeune garçon Mouhammad (saws) était si intelligent que toutes les fois que son grand-père ou d'autres parents avaient perdu quelque chose, ils demandaient toujours à Mouhammad d'aller le chercher, et il le trouvait toujours (Balâdhuri I,§ 144).
Une fois le berger de 'Abd Al-Mottalib vint annoncer que quelques chameaux s'étaient égarés, et qu'il lui était impossible de les retrouver dans les vallées du pâturage. Mouhammad (saws) y fut envoyé ; comme il tardait à revenir, le grand-père, effrayé pour le sort de son petit-fils, parti ainsi tout seul, la nuit, dans les montagnes, se mit à prier Dieu, avec ferveur et à faire le tour rituel de la Ka'bah, en disant: «Seigneur, rends-moi mon petit Mouhammad, Et comble-moi ainsi de Tes bienfaits.»
Une fois Mouhammad (saws) rentré, 'Abd Al-Mottalib fit le vou de ne plus jamais envoyer le garçon faire de pareilles courses (Balâdhurî, I, § 144)
Mort de 'Abd Al-Mottalib
Mouhammad était âgé de 8 ans, lorsque son grand-père mourut, après l'avoir confié à son fils Abû-Tâlib, oncle germain de Mouhammad, en lui recommandant d'en avoir le plus grand soin (Ibn Sa'd l/l, p 75; Tabari. I, 1123.). Abû-Tâlib fut ainsi son 3ème tuteur. Le Prophète (saws) restera sous sa garde jusqu'à l'âge de raison.
Garde par Abou Tâlib
Le choix d'Abou Tâlib comme tuteur de Mouhammad (saws), de préférence aux autres oncles, a été particulièrement heureux. Né de la même mère et du même père que le père de Mouhammad (saws), Abou Tâlib possédait des qualités de cour très rares. Nous voyons qu'Abou Lahab, un autre de ses oncles devint, bientôt après la mort de son père, un libertin, adonné à la boisson et à la vie facile ; il était allé une fois jusqu'à voler les bijoux offerts à la Ka'bah, afin d'avoir de l'argent pour acheter du vin et pour en donner aux chanteuses. (Ibn Habîb,Munammaq p 54.67. Dîwan de Hassan ibn Thâbit, p 51-57, note sur le poème N°39 ; Tabarî, I, 1135) Par contre, les qualités d'Abou Tâlib lui attiraient de plus en plus le respect de ses concitoyens. Sa seule faute, en réalité un excès de générosité, était de ne pouvoir jamais équilibrer son budget familial, et d'être souvent obligé de recourir aux emprunts.
De sa tante, épouse de son tuteur, Mouhammad (saws) nous dit lui-même : «Lorsqu'elle mourut, quelqu'un me fit la remarque : «Ô Envoyé de Dieu, pourquoi ressens-tu si douloureusement la mort d'une vieille femme ?» Et je répondis : « Pourquoi pas ? Lorsque j'étais un enfant orphelin chez elle, elle laissait ses enfants avoir faim, mais elle me nourrissait ; elle délaissait ses enfants pour me peigner; et elle était comme ma mère.»» (Ya'qûbî, II, 14 ; Suhailî, I, 112)
Lorsque le petit déjeuner venait d'être servi, chez Abou Tâlib, tous les matins, la troupe de ses nombreux enfants le pillait avant que Mouhammad (saws) y ait touché ; quand Abou Tâlib s'aperçut que son jeune neveu ne prenait pas part à ce pillage il le lui fit servir à part.(Ibn Sa'd, I/I,p 46 ; Maqrîzî, Imtâ', I, 7)
A cette époque, il n'y avait pas d'école à la Mecque ; c'est pourquoi il n'apprit ni à lire ni à écrire. Bientôt le jeune garçon commença à travailler comme berger pour les Mecquois, gagnant ainsi quelques sous pour ajouter aux maigres recettes de son oncle (Ibn Hichâm, p 106 ; Suhailî, I, 112 d'après Bukhârî, etc. ; Ibn Sa'd, I/i, p 80). On nous rapporte de cette époque un petit incident : il apprit un jour qu'il y aurait une fête chez une personnalité de la ville, et il dit à un de ses camarades : je n'ai jamais assisté à une fête ; si tu peux garder mon troupeau en même temps que le tien, j'irai à la ville, et je te remplacerai un autre jour.
Le camarade ayant accepté, il vint à la ville, mais la fête n'était pas encore près de commencer ; il faisait probablement chaud, et, en attendant, le jeune garçon s'endormit. Lorsqu'il se réveilla, il était déjà tard, et il dut rentrer chez lui. L'incident se répéta, dit-on, encore une fois dans de pareilles circonstances. Blessé dans son amour propre, le jeune garçon renonça pour toujours à s'amuser à de telles frivolités. (Suhailî, I, 112, d'après Bukhârî ; Tabari, I, 1126-7)
Un autre souvenir de la même époque : Mouhammad (saws) disait plus tard : «Mangez les fruits de l'arbre épineux arâk qui sont devenus noirs ; je les mangeais lorsque j'étais berger.» (Ibn Sa'd, I/I, p 80) ou encore : «Le Prophète raconta un jour : J'avais l'habitude de me protéger contre le soleil aveuglant de la mi-journée dans l'ombre de l'immense écuelle de 'Abdallah ibn Jud'ân (qu'il avait fait fabriquer pour l'usage des voyageurs à dos de chameau.)(Suhailî, I, 92)
Mouhammad (saws) avait neuf ans, lorsqu'Abou Tâlib se vit obligé à l'idée d'être séparé, même pour peu de temps, de son oncle ; il lui demanda de l'accompagner ; Abou Tâlib céda, et c'est ainsi que Mouhammad fit son premier voyage hors de l'Arabie. On peut bien penser que le jeune voyageur n'était pas du tout un fardeau inutile pour son oncle : de mille façons il pouvait lui rendre de petits services, et lui épargner maints inconvénients.
A Busrà, au-delà de la Mer Morte, entre Jérusalem et Damas, la caravane s'arrêta pour faire les échanges usuels et les transactions nécessaires. Comme d'habitude, ils durent camper dans la banlieue de la ville. C'était un territoire byzantin. Ne nous étonnons donc pas s'il y avait un couvent, près des champs où la caravane établit ses tentes. Un certain moine, Bahîrâ, regarda de son couvent la colonie temporaire, et s'étonna du sage comportement de ses voisins, ce qui était rare chez de tels visiteurs.
Il les invita à un repas (Ibn Hichâm. p ll5-117.), probablement dans un but pieux de prosélytisme. Casanova nous assure (Casanova, Mohammed et la fin du monde, p 28,) qu'à l'époque dont nous nous occupons, les Chrétiens - et probablement aussi les Juifs - attendaient impatiemment la venue d'un prophète, d'un Messie, d'un dernier consolateur. (Cf.Evangile de St Jean, I :21-23) Il se peut que le moine Bahîrâ ait parlé à ses hôte, entre autres choses, de cette croyance.
Il serait naïf de croire qu'un moine chrétien (Carra de Vaux n'a rien ajouté à sa réputation quand il a rédigé tout un ouvrage intitulé :«La légende de Bahîrâ, ou un moine chrétien auteur au Coran », Paris 1898. Comment expliquer alors que ce même Coran, soit-disant ouvrage d'un moine chrétien réfute le christianisme ?) ait pu reconnaître dans la physionomie d'un enfant de neuf ans, surtout parmi les Bédouins méprisables, le futur apôtre de Dieu ; il serait également vain de penser que les paroles du moine aient pu faire germer dans l'esprit d'un garçon de neuf ans l'espoir et l'ambition de s'attribuer cette qualité.
Après ce voyage en Syrie, on ne sait pas grand'chose sur la vie de Mouhammad (saws) pendant une dizaine d'années. Il se peut qu'Abû Tâlib ait eu un magasin de commerce (Selon Jâhiz, Mahâsin, p 165, Abu Tâlib était un bazzâz (marchand d'étoffes)) à la Mecque, et que Mouhammad (saws) ait participé d'une façon ou d'une autre à cette entreprise. Il est vrai qu'Ibn Al-Jauzî (Wafâ', p 101) affirme que, quand le Prophète (saws) avait un peu plus de dix ans, il accompagna son autre oncle, Zubair, dans une caravane, pleine d'incidents miraculeux mais sans précision de la destination ; peut-être à Bahrain-'Umân pays des 'Abd al Qais (cf. Infra § 1599, n. 1) ; peut-être le même voyage palestinien qu'il fit avec Abou Tâlib, les deux frères sortant ensemble, puisque selon Ibn Al-Jauzi(Wafâ', p 131) Mouhammad (saws)avait alors 12 ans et non 9.
Al-Halabî (Halabî, Insân, I, 164) nous rapporte que les Mecquois avaient une fête annuelle, à laquelle tout le monde prenait part avec enthousiasme.
Chaque année Mouhammad trouvait quelque excuse pour ne pas y assister. Une année ses tantes le grondèrent et le menacèrent de la colère divine, parce qu'il ne voulait pas y assister avec les autres. Mouhammad (saws) les accompagna cette fois, mais en pleine fête il rentra dans la tente de ses parents, tout blanc et tout tremblant : il raconta qu'il avait vu d'étranges personnes qui lui défendaient toute participation à cette fête païenne.
L'oncle et les tantes ne l'obligèrent plus les années suivantes à participer à de pareilles cérémonies. Al-Wâqîdî complète le récit par le témoignage d'Oum Aiman, servante noire qui avait élevé Mouhammad (saws), et dit ensuite qu'il s'agissait là de la fête de Buwânah, et que, lors de cette fête, on se faisait raser la tête et on sacrifiait des animaux.
D'après Ibn al-Athîr (Cilé par Lisân al.Arab, § B-W-N.) , la colline de Buwânah se trouve près de Yanbû'. Ibn Manzùr (Ibid) nous conserve un vers, où le poète dit attendre que les sentinelles du dattier sacré de Buwânan fussent endormies pour cueillir secrètement les fruits de deux dattiers.
Ibn al-Kalbî (Ibn al-Kalbî, Kiidb al-Asnâm, p. 12) nous rapporte que Mouhammad (saws) aurait lui-même un jour sacrifié, avant l'Islam, un mouton brun devant une idole (sanam) ; il s'agit là probablement du même incident, et la victime avait sans doute été procurée par ses tantes superstitieuses. Bukhârî (Bukhâri 63/24 ; cité aussi par Suhaîlî, I, 146-147) rapporte qu'un jour Mouhammad (saws) rencontra son concitoyen Zaid ibn 'Amr près de Baldah et que l'un des deux-le narrateur n'est pas sûr- offrit à l'autre la viande d'une victime immolée sur une idole, mais il lui fut repondu. : je ne mange pas ce qu'on offre aux idoles. Bukhari est plus clair ailleurs (72:16) et précise que c'est le Prophète (saws) qui offrit un plat de viande à Zaid Ibn 'Amr et que c'est Zaid qui refusa de manger la chair des animaux sacrifiés sur les pierres dressées ( ansàb ).
Commentant le même hadîth, Qastallânî (Irchâd,8/277) cite «Abu Ya'là, al-Bazzâr et autres » pour dire que ce fut son affranchi Zaid ibn Hârithah qui égorgea un mouton sur certaine pierre dressée et que Zaid Ibn 'Amr qu'on rencontra, refusa l'invitation à l'hospitalité, et dit : Je ne mange pas ce sur quoi on n'a pas mentionné le nom de Dieu. S'agit-il là du même événement ?. Le jeune esprit devenait de plus en plus conscient de ce qui se passait autour de lui.
Faut-il placer à la même époque le petit incident suivant qui semble avoir quelque portée ? Balâdhuri (Balâdhurî, I, §263.) rapporte qu'un jour il y eut une querelle entre Abu Tâlib et son frère Abou Lahab,et ce dernier jeta son frère à terre, s'assit sur sa poitrine et le souffleta. Le jeune Muhammad accourut, et en bousculant Abou Lahab, l'éloigna de la poitrine de son frère. Puis Abu Tâlib se leva, et plein de colère s'élança sur son frère Abu Lahab ; à son tour il s'assit sur sa poitrine et couvrit son visage de soufflets. Après coup, Abu Lahab s'adressa à Muhammad en lui disant : «Moi, je suis ton oncle comme Abu Tâlib ; tu as fait avec moi ce que tu as fait ; mais pourquoi n'as tu pas agi pareillement avec lui ? Par Dieu, mon coeur ne t'aimera plus jamais,jamais ». On sait que parmi les membres de la famille, Abou Lahab fut le seul à s'associer avec les ennemis personnels les plus redoutables du Prophète (saws). D'autres incidents vinrent plus tard élargir le fossé entre l'oncle et le neveu.
Le mariage du Prophète (saws) avec Khadîja
L'âge du Prophète (saws) lors de ce mariage
Ibn Hishâm dit : D'après nombre de savants, selon Abû 'Amr Al-Madanî, lorsque le Messager de Dieu (saws) eut 25 ans (21 ans ou encore 30 ans dans certaines variantes), il épousa Khadîjah Bint Khuwaylid Ibn Asad Ibn 'Abd Al-'Uzzâ Ibn Qusayy Ibn Kilâb Ibn Murrah Ibn Ka'b Ibn Lu'ayy Ibn Ghâlib.
Khadîja (ra) était surnommée "La Pure dans la jâhiliyyah et dans l'islam". Dans les Siyar d'At-Taymî, on dit qu'elle était qualifiée de "la Dame des femmes de Qoraysh".
Avant d'épouser le Messager de Dieu (saws) , elle fut l'épouse de 'Atîq Ibn 'Â'idh Ibn 'Abdillâh Ibn 'Amr Ibn Makhzûm duquel elle enfanta un garçon qui se prénomme 'Abd Manâf. Az-Zubayr rapporte qu'elle donna à 'Atîq une fille qui se prénommait Hind. Elle épousa ensuite Hind Ibn Zurârah, à qui elle donna un fils qui s'appelait Hind également ; il est mort de la peste - la peste de Bassorah. Elle lui donna deux autres fils : At-Tâhir et Hâlah.
Son travail pour le compte de Khadîjah
Ibn Ishâq dit : Khadîjah Bint Khuwaylid était une femme d'affaires noble et fortunée. Elle louait les services d'hommes pour s'occuper de son commerce contre un intéressement aux bénéfices. L'activité principale des Qorayshites était en effet le commerce. Lorsqu'elle entendit parler du Messager de Dieu (saws) notamment de sa véridicité, de sa grande honnêteté et de la noblesse de son caractère, elle le fit venir et lui proposa de prendre la responsabilité de sa caravane de commerce en partance pour le Shâm (dans la grande Syrie, qui engobe la Palestine, la Jordanie, le Liban et la Syrie actuelle) avec son serviteur Maysarah, contre la meilleure rémunération qu'elle accordait jusqu'alors aux autres commerçants. Il accepta cette offre et partit avec Maysarah pour le Shâm.
L'entretien de Maysarah avec le moine
Une fois arrivé, le Messager de Dieu (saws) se reposa à l'ombre d'un arbre près de la hutte d'un moine. Le moine alla voir Maysarah et lui demanda :
« -Qui est cet homme à l'ombre de l'arbre ?
-C'est un homme de Qoraysh, des environs du Sanctuaire lui répondit l'esclave.
-Seul un prophète se reposerait à l'ombre de cet arbre ! »
Le moine voulait probablement dire que seul un prophète se reposerait à l'ombre de cet arbre à cet instant précis. En effet, malgré l'apparence générale de l'énoncé, il est impensable d'affirmer que seuls les prophètes s'y reposaient vu que cela faisait très longtemps qu'il n'y avait pas eu de prophètes. De plus, les arbres ne vivent pas suffisamment longtemps pour que l'on sache que le dernier prophète à s'y être arrêté était 'Issa (as) , ou tout autre prophète (as). De même, il est impensable que personne ne s'arrête à l'ombre de cet arbre sauf un prophète, à moins que ne soit authentique la tradition qui rapporte que « 'Issa fut le dernier à s'y être arrêté », sachant que cette tradition n'est pas due à Ibn Ishâq. Dans ce cas, cet arbre particulier serait en lui-même un miracle. Enfin, on rapporte que ce moine s'appelait Nestor, à ne pas confondre avec Bahîrâ qui est le moine que le Prophète (saws) avait rencontré lorsqu'il (saws) était plus jeune lors de son voyage avec son oncle Abou Tâlib.
Puis le Messager de Dieu (saws) vendit sa marchandise et acheta les articles qui l'intéressaient avant d'emprunter la route du retour avec Maysarah. D'après ce qu'on raconte, chaque fois que la chaleur s'accentuait, Maysarah voyait deux anges faire de l'ombre au Prophète (saws) alors qu'il était sur sa monture. Lorsqu'il (saws) rentra à la Mecque et restitua à Khadîjah (ra) ses biens, elle réalisa un profit double ou presque. Maysarah lui relata la parole du moine et lui expliqua comment deux anges lui faisaient de l'ombre pendant le trajet.
Khadîjah souhaite épouser le Prophète (saws)
Khadîja (ra) était une femme exigeante, noble et intelligente, pour ne citer que ces qualités là parmi les dons que Dieu (swt) lui avait accordés. Lorsque Maysrah lui eut témoigné de tout ce qu'il avait vu, elle fit venir le Messager de Dieu (saws) et, d'après ce qu'on raconte, lui dit : "Cousin, je suis bien disposée à ton égard étant donné nos liens de parenté, la place d'honneur que tu occupes parmi les tiens, ton honnêteté, la noblesse de ton caractère et la véridicité de ta parole." Puis, elle lui proposa de l'épouser. Khadîjah jouissait de la meilleure lignée parmi les femmes de Qoraysh, elle était la plus noble et la plus fortunée ; tout homme de son clan aurait souhaité l'épouser, si elle lui avait accordé ce privilège.
La lignée de Khadîjah (ra)
Elle s'appelait Khadîjah Bint Khuwaylid Ibn Asad Ibn 'Abd Al-'Uzzâ Ibn Qusayy Ibn Kilâb Ibn Murrah Ibn Ka'b Ibn Lu'ayy Ibn Ghâlib Ibn Fihr.
Sa mère s'appelait Fâtimah Bint Zâ'idah Ibn Al-Asamm Ibn Rawâhah Ibn Hajar Ibn 'Abd Ibn Ma'îs Ibn 'Âmir Ibn Lu'ayy Ibn Ghâlib Ibn Fihr.
La mère de cette dernière s'appelait Hâlah Bint 'Abd Manâf Ibn Al-Hârith Ibn 'Amr Ibn Ma'îs Ibn 'Âmir Ibn Lu'ayy Ibn Ghâlib Ibn Fihr.
La mère de Hâlah s'appelait Qilâbah Bint Su'ayd Ibn Sa'd Ibn Sahm Ibn 'Amr Ibn Husays Ibn Ka'b Ibn Lu'ayy Ibn Ghâlib Ibn Fihr.
Le prophète épouse Khadîjah après avoir consulté ses oncles
Le Messager de Dieu (saws) demanda conseil à ses oncles. Ensuite, son oncle Hamzah Ibn 'Abd Al-Muttalib (ra) L'accompagna chez Khuwaylid Ibn Asad (le père de Khadîjah) et demanda la main de Khadîjah pour son neveu.
On dit également que c'est son oncle Abû Tâlib qui accompagna le Messager de Dieu (saws) et que c'est lui qui a fait le discours du mariage. Il y dit entre autres : "Mohammad n'a pas d'égal parmi la jeunesse de Quraysh tant sur le plan de la noblesse que du mérite et de la sagesse. Si du point de vue de la fortune il est modestement doté, la fortune telle l'ombre ne perdure jamais. Il désire épouser Khadîjah et elle lui échange ce sentiment."
D'après Ibn 'Abbâs (ra) et 'Â'ishah (ra) c'est 'Amr Ibn Asad (l'oncle de Khadîjah) qui accorda la main de Khadîjah au Messager de Dieu (saws) car Khuwaylid avait péri dans la guerre des Fujjâr.
La dot de Khadîjah
Ibn Hishâm dit : Le Messager de Dieu (saws) lui offrit une dot de vingt jeunes chamelles. Khadîjah fut ainsi la première épouse du Messager de Dieu (saws). Il n'épousa aucune autre femme de son vivant (ra).
Les enfants du Prophète et de Khadîjah
Ibn Ishâq dit : Elle mit au monde tous les enfants du Messager de Dieu (saws) à l'exception d'Ibrâhîm :
Al-Qâsim dont le Prophète porte la kunyah (il est d'usage dans la société arabe d'appeler les parents par le prénom de leur premier-né). Ainsi le Prophète (saws) s'appelle Abou Al-Qâsim, littéralement : le père d'Al-Qâsim.
At-Tâhir (Le Pur) et At-Tayyib (Le Bon) sont deux surnoms d'Al-Qâsim. Il fut ainsi surnommé du fait de sa naissance, après l'avènement de la mission prophétique, son premier prénom étant en réalité 'Abdallâh. Ses autres enfants furent Zaynab, Ruqayyah, Oum Kulthûm et Fâtimah (ra).
L'ordre de leur naissance
Ibn Hishâm dit : L'aîné de ses fils était Al-Qâsim, suivi d'At-Tayyib, puis d'At-Tâhir. L'aînée de ses filles était Ruqayyah, suivie de Zaynab, puis d'Oum Kulthûm, enfin de Fâtimah.
Ibn Ishâq dit : En ce qui concerne Al-Qâsim, At-Tayyib et At-Tâhir, ils décédèrent tous pendant la jâhiliyyah alors que toutes ses filles connurent l'islam, l'embrassèrent et émigrèrent avec le Prophète (saws) comme nous le verrons plus tard incha Allâh.
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D'un côté, une femme veuve. Selon la plupart des chroniqueurs, elle aurait eu, à cette époque, quarante ans, mais Ibn Habibl nous assure qu'elle n'avait que 28 ans. Elle appartenait à la tribu d'Asad, qui a produit le patrice `Uthmdn ibn alHuwairith ainsi que le prêtre Waraqah ibn Naufal, tous deux devenus chrétiens. Selon certain récits, la sueur de Waraqah lisait même la Bible. De son premier époux, le Taimite Abfl Hâlah, Khad^Ijah eut un garçon qui s'appela Hind. Devenue veuve, elle épousa le Makhzffmite `Atiq ibn `A'idh, et donna naissance à une fille, appelée également Hind. Riche et belle, elle se consacra à ses enfants et à ses affaires; et depuis la mort de son deuxième mari, elle refusa toujours les propositions d'un remariage.
De l'autre côté, un jeune homme, d'à-peine 25 ans. Plein de vigueur, mais modeste ; pauvre, mais charitable ; illettré, mais intelligent et honnête. Les chroniqueurs sont unanimes à dire que Muhammad avait les yeux noirs et grands, avec le globe rempli de lignes rouges. Doué d'une puissante vue, il pouvait compter onze astres dans la constellation des Pleiadesl. Son teint était blanc, sa bouche et ses dents brillantes ressemblaient à « des perles dans une boîte de rubis ». Avec un front large, une grosse tête, des sourcils arqués, dont les poils se rejoignaient au-dessus du nez, il avait un estomac serré ne dépassant pas la ligne de la poitrine ; le corps dépourvu complètement de poils ; ses cheveux n'étaient ni crépus ni droits ; il avait les paumes pleines, et la plante des pieds ne présentant pas de creux, à tel point qu'elle laissait une trace uniforme sur la terre. Avec la poitrine large et les jambes minces, il avait un nez long et arqué.
Il avait une voix douce et très claire, et parlait si lentement qu'on pouvait compter les lettres des mots qu'ils prononçait. Il aimait à soigner sa coiffure, et il laissait croître une jolie barbe, qu'il parfumait, ainsi que ses cheveux, qui souvent touchaient ses épaules. Là partie supérieure de sa taille était longue, et lorsqu'il était assis en compagnie, il était toujours plus grand que son entourage. II marchait très vite, comme s'il descendait une pente. Il était beau, et pour l'un de ses diciples « il était plus beau que la lune de la quatorzième nuit ».
Khadîjah ne tarda pas à ressentir un attachement cordial envers son agent de commerce. Elle l'appela souvent chez elle sous prétexte d'affaires ; elle lui envoya de plus en plus des cadeaux de fruits de saison et d'autres menus présents. Muhammad, plein de pudeur et de timidité, tenait les yeux toujours baissés. Après avoir hésité pendant quelque temps, elle décida un jour de confier son secret à une amie, Nufaisah, et de lui demander de faire le nécessaire convenablement et discrètement.
Les chroniqueurs disent que Nufaisah était une maulât (métèque) et une muwalladah (née d'un parent non-arabe). Suhaili nous assure qu'elle était kâhinah. Cela signifie-t-il d'origine juive ? On mentionne rarement son père ; et elle est généralement citée comme fille d'une certaine Munyah, sa mère ou sa grand'mère ; cela probablement pour des raisons sociales quelque peu négligeables. Elle était bien choisie pour sa mission ; car, avec ses origines, elles pouvait plus facilement parler à un homme dans les rues de la ville que ne le pouvait une femme distinguée. Il se peut que Muhammad l'ait déjà connue chez Khadîjah où tous les deux fréquentaient.
Quoi qu'il en soit, Nufaisah trouva un jour l'occasion de parler à Muhammad dans l'intimité. Elle lui dit : « Tu es maintenant assez âgé ; tu es de bonne famille, et tu es réputé pour ton bon caractère, pourquoi donc ne te maries-tu pas ? Tu dois facilement trouver une fille convenable. Muhammad s'excusa en disant qu'il n'avait pas les moyens d'entretenir un foyer séparé. Et elle de dire : Mais si tu en trouves une qui soit riche en même temps que belle et de bonne famille ? Tout étonné, il lui demanda : Qui peut-elle être ? Nufaisah répondit ; Khadîjah ! Muhammad reprit : Impossible qu'elle m'accepte : tous les riches de la ville l'ont recherchée et elle n'a fait que refuser. Nufaisah l'assura : Si la proposition te plaît, confie-moi cette affaire, et je parlerai à notre amie commune. Muhammad comprit probablement qu'une telle confiance pouvait bien comporter une mission.
Plus tard, Khadîjah fixa une date pour la cérémonie des noces. Au moment voulu, Muhammad, accompagné de son oncle Abû Tâlib et d'autres proches, se rendit à la maison de la fiancée, où tout était prêt pour une grande fête. Khadîjah avait perdu son père lors de la guerre de Profanation ; comme de droit, c'était son oncle 'Amr ibn Asad qui devait donner son consentement au mariage. Quelques chroniqueurs nous fournissent certains détails sur le déroulement de la cérémonie, qui, s'ils sont authentiques, nous éclairent un peu sur la vie féminine et sociale de la Mecque à cette époque
On rapporte que Khadîjah n'avait pas osé demander préalablement la permission de son oncle, craignant peut-être ses objections contre la pauvreté de Muhammad ; elle l'avait invité, comme d'autres membres de sa famille, sans lui précisier le véritable objet de la réunion. L'oncle de Muhammad, lui, attendait le signal de Khadîjah pour prendre la parole comme il était coutume. On mangea, et Khadîjah fut particulièrement attentive à la boisson de son oncle. Lorsque celui-ci commença à être ivre, sa nièce le couvrit d'un beau manteau, le fit oindre du parfum khalûq (préparé avec du safran), et fit un signal à Abû Tâlib, qui se leva, et comme de coutume, demanda l'approbation formelle du chef de la famille de la femme.
Dans son discours, il fit allusion aux qualités de Muhamamd, avec lesquelles aucun jeune Mecquois n'aurait pu rivaliser. Il ajouta qu'il n'était pas riche, mais que la richesse elle-même était passagère comme une ombre ; que les deux s'aimaient beaucoup et s'entendaient bien, et que rien ne convenait mieux que de les réunir ! Waraqah ibn Naufal, cousin de Khadîljah et son grand ami, était sans doute dans le sercet : il se leva alors, et appuya la proposition, en disant que : « Muhammad était comme un chameau de race, qui n'a pas besoin d'être bâtonné sur le nez pour s'asseoir ».
L'oncle ne bougea pas, et il fut admis que son silence signifiait l'approbation. Au milieu des acclamations et des félicitations habituelles les invités se précipitèrent sur les dattes sèches et le sucre qu'on avait coutume de jeter sur la tête de l'époux. Ce ne fut que vers le soir que le vieil oncle 'Amr se réveilla de son sommeil, et, tout étonné, demanda d'où venaient des parfums et des fumées odorantes, les habits d'honneur et la musique ? Khadîjah de dire : « Mais c'est toi qui m'as mariée aujourd'hui avec Muhammad, fils de `Abdallâh, devant les notables de la ville... ».
Il y eut quelques vives altercations entre le vieil oncle et son indépendante nièce (Ibn Sa'd ajoute même que certains jeunes parents des deux époux mirent leurs armes à la main, mais n'eurent pas besoin de les employer), et lorsque 'Amr vit que le marié était un noble de haut rang et que Khadîjah ne voulait céder en rien, il crut devoir se taire et laisser de bon gré le mari emmener sa femme chez lui'.
Cet incident, affirmé par certains auteurs et rejeté par d'autres, n'a rien d'impossible. Mais s'il est véridique il s'agit évidemment de quelque chose d'assez rare dans la société mecquoise.
En tout cas, Muhammad et sa famille n'ont rien fait pour égarer une femme ; et même Khadîjah n'a fait que faire valoir son droit en dépit des préjugés mesquins de son oncle contre la pauvreté. Ce fut avant l'Islam.
D'après Ibn Hichâm, le matir (prix que le mari verse à sa femme, et non aux parents de la femme) consista, à cette occasion, en 20 chamelles ; mais d'après Ibn Habib3, ce fut 12 onces d'argent (soit 480 dirhams), et d'après un autre récit du même auteur, 500 dirhams. Comme de coutume, à l'arrivée de l'épouse à la maison, l'époux fêta le mariage à son tour, et la viande de deux chameaux, dont parle le récit, signifierait qu'au moins 200 personnes avaient été invitées.
Après un délai discret de quelques jours, Muhammad quitta la maison de son oncle, pour aller habiter dans la maison de sa femme. Sa vie conjugale fut des plus heureuses. Même aujourd'hui, lors des noces chez les Musulmans, au moins dans l'Inde, et la Turquie, le cadi dans son sermon de mariage prononce entre autres choses : « Que Dieu réunisse ce couple dans la même amitié qui existait entre Adam et Eve... et entre Muhammad et Khadîjah ».
Dans l'espace de dix ans, Khadîjah donna naissance à une demi-douzaine d'enfants. Le premier fut un fils, Qâsim, mais il mourut en nourrice, alors qu'il commençait à peine à marcher. Le mariage eut lieu en l'an 595 (28 avant l'Hégire, 15 ans avant la mission divine). Qâsim naquit probablement en 27 avant l'Hégire. D'après Ibn Hazin (p. 38), Khadîjah appela son aîné du nom d'un de ses ancêtres 'Abd al-'Uzzà (qui signifie : adorateur de la déesse al-`Uzzà) ; mais comme Muhammad n'aimait pas de tels noms, il le fit changer en Qâsim (ce qui veut dire : Celui qui distribue, surtout la charité).
Nous avons déjà parlé des enfants de Khadîjah de ses deux premiers maris, mais dans la vie familiale de Muhammad à la Mecque, c'est à peine si l'on en parle. Probablement, d'après les coutumes de la ville, ils avaient été pris en charge par les parents de leurs pères, et ce n'est que de temps en temps qu'ils venaient visiter leur mère. L'enthousiasme avec lequel Hind (fils de Khadîjah et d'Abû Hâlah), décrivait la physionomie de son beau-père Muhammad (dans le passage que nous avons déjà cité), montre que Muhammad le traitait avec beaucoup de gentillesse lorsqu'il était petit et venait visiter sa mère.
La nourrice Halîmah devait être très heureuse de voir que son fils avait une belle épouse, un riche foyer, et tout ce qu'il fallait pour une vie convenable. Elle dut être d'autant plus heureuse que sa belle-fille la traitait avec beaucoup d'égards. Sahaili' nous dit en effet que lorsque Halîmah vint voir Muhammad après son mariage, Khadîjah lui donna plusieurs chamelles. La vieille rentra chez elle pleine de gratitude. D'après Ibn Sa'dl, et probablement à une époque postérieure, Halimah vint se plaindre de la sècheresse auprès de Khadîjah, et cette fois elle reçut 40 moutons, et un chameau pour monture.
Il n'y a pas de doute que Muhammad aimait tendrement sa femme. Plus tard, à Médine, après la mort de Khadîjah, lorsque Muhammad s'était marié de nouveau, sa jeune femme chérie, `A'ichah, eut souvent du chagrin et de la jalousie, car Muhamamd ne cessait de rappeler la tendresse et l'amabilité de « cette vieille femme de la Mecque morte depuis longtemps », comme la jeune femme voulait l'appeler.
Pendant les quinze ans qui s'écoulèrent entre son mariage et sa Mission divine, comment se comporta-il ? Khadîjah nous en parle: Lors de la première révélation du message divin, Muhammad fut effrayé, et eut peur qu'il ne s'agît d'une tentation du diable, qu'il détestait tant. Khadîjah le consola ainsi « N'aie pas peur. Dieu ne te mettra jamais dans le mal : Dieu ne te fera que du bien, car tu aides tes proches, tu soutiens ta famille, tu gagnes honnêtement ta vie, tu maintiens les autres dans la droiture, tu donnes asile aux orphelins, tu dis la vérité, tu ne t'appropries pas frauduleusement les dépôts, tu secours ceux qui n'ont rien, tu fais du bien aux pauvres, et tu traites avec courtoisie tout le monde. »
Même en faisant la part de l'interlocuteur et de l'occasion, cette citation nous apprend clairement que Muhammad ne touchait pas à l'argent de sa femme, mais qu'il gagnait assez pour entretenir sa famille. Il s'occupait du commerce pour son propre compte, mais bien sûr il se peut qu'il ait continué aussi à s'occuper des affaires de sa femme, car les biens de la femme chez les Mecquois ne devenaient point au mariage les biens du mari, mais la propriété absolue restait acquise à la femme.
Il y eut une famine à cette époque ; peut-être était-ce celle pendant laquel Halîmah était venue chercher le secours de son ancien nourrisson. Tabari, qui nous en parle, nous dit que, voyant toutes les difficultés dans lesquelles Abû-Talib se trouvait à cause de la famine pour entretenir une grande famille, Muhammad se rendit chez `Abbâs, un autre oncle, qui était plus riche, et lui dit : « Abû Tâlib a beaucoup de difficultés en ce moment ; il serait charitable de prendre un de ses enfants chez toi, comme moi je vais le faire. Ja'far fut ainsi adopté par `Abbâs, et `Alî par Muhammad.
Un jeune Arabe, Zaid ibn Hârithah, fut fait prisonnier de guerre dans quelque coin de l'Arabie, lors d'une des incessantes razzias, et il fut vendu comme esclave. Après avoir plusieurs fois changé de mains, le pauvre jeune homme arriva enfin à la Mecque, où Muhammad, d'accord avec sa femme, l'acheta. Le temps passa, et lorsque les parents de l'esclave surent où la malheureux se trouvait, ils vinrent à la Mecque avcc assez d'argent pour une rançon convenable. Lorsque le père et l'oncle de Zaid se rendirent chez Muhammad et expliquèrent l'objet de leur visite, il deur dit : « J'ai baucoup de sympathie pour vous, mais votre enfant est comme mon enfant ici ; demandez-le lui ; et s'il veut aller avec vous, je le lui permets sans aucune rançon de votre part ». Comme ils interogeaient leur fils celui-ci leur dit : :« J'ai vu en mon maître quelque chose qui me le fait préférer à tous, à jamais ». Touché par les paroles de Zaid, Muhammad se rendit devant la Ka'bah, et proclama publiquement qu'il affranchissait Zaid et l'adoptait comme fils. Le père et l'oncle de Zaid retournèrent tristement chez eux, mais complètement rassurés sur la situation de leur enfant'.
La participation du Prophète (saws) à la reconstruction de la Ka'ba
Muhammad avait 35 ans, lorsqu'un événement suscita à la Mecque un réveil de la vie spirituelle : un jour où l'on parfumait avec de l'encens la Ka'bah, une étincelle fut jetée par le vent sur les rideaux de toile autour du sanctuaire, et le bâtiment fut incendié. Bientôt après, les pluies causèrent une inondation, et la construction affaiblie par le feu ne put y résister.
La religion mecquoise était bien dégénérée à cette époque. Rappelons, par exemple, un incident cité par Ibn Habibl: Quelques tribus de Médine vinrent à la Mecque pour conclure une alliance avec les Quraichites ; tout était terminé lorsqu'on apprit aux visiteurs médinois qu'il était de coutume chez la jeunesse de la Mecque, lors même de la prière autour de la Ka'bah, de courtiser et embrasser les belles filles ; selon l'auteur, ce n'était là qu'un prétexte pour rompre l'alliance déjà conclue, mais la légèreté avec laquelle les Mecquois parlèrent de ces choses indique bien leur décadence morale. On peut se référer également au fameux incident d'Isâf et de Nâ'ilah2. Voir infra § 172.
Le conseil municipal se réunit bientôt pour préparer la reconstruction. Tout le monde fut d'accord pour demander aux habitants une contribution spéciale ; on décida également de n'accepter aucun don provenant de gains immoraux, comme usure, prostitution, etc.
A la saison de pluies, il y eut une tempête sur la mer, et un navire byzantin, portant des matériaux de construction de l'Egypte au Yémen, afin d'y bâtir une église, échoua en naufrage sur la côté du Chu'aibah, port de la Mecque. En apprenant la nouvelle, les Mecquois coururent au port, donnèrent l'hospitalité aux naufragés et renoncèrent aux douanes habituelles si les victimes consentaient à vendre ce qu'ils pourraient sauver des épaves, y compris les planches du bateau. Ils achetèrent ainsi une certaine quantité de marbre, de fer et de bois. Parmi les naufragés, Bâqûm, un charpentier copte, décida de s'installer à la Mecque et d'y pratiquer son métier. Les Mecquois furent heureux de tout celai.
Pour reconstruire, il fallait démolir les ruines ; on hésita longtemps par superstition. Enfin un des vénérables de la ville s'avança, et, prononçant des formules pieuses, donna le premier coup. Les autres attendirent quelque peu, puis ne voyant aucun mal tomber sur le « destructeur » de la maison de Dieu, ils se mirent eux aussi au travail de déblaiement. Nos sources nous disent qu'on arrêta la démolition aux bases qu'Abraham avait posées lors de la construction originelle, bases faites de pierres vertes, et que l'on décida de rebâtir le sanctuaire sur l'ancien emplacement.
La Ka'bah était un cube, une chambre à quatre murs. Les matériaux rassemblés étant insuffisants pour ériger un bâtiment semblable à celui qui datait dAbraham, on décida d'en couvrir une certaine partie et d'en laiser une autre sans toit. On décida d'augmenter la hauteur par rapport au bâtiment détruit, et de placer la porte d'entrée de telle façon que l'accès exigeât une « passerelle », ce qui devait rapporter de l'argent au fonctionnaire détenant la clé de la porte. Dans la partie sans toit, l'accès était libre, et on l'employait pour prêter des serments et autres actes solennels. Lorsque les murs commencèrent à s'élever et que vint l'heure de mettre la sainte Pierre Noire à sa place, s'ouvrit une grave querelle : Chacun des clans en voulait avoir l'honneur. D'aucuns allèrent jusqu'à apporter un récipient plein de sang, et en jurant de ne jamais céder, ils léchèrent ce sang. Le travail s'arrêta, jusqu'à ce qu'un vieux notable suggéra de soumettre le différend au sort et dit : < Laissons-l
e à Dieu, et acceptons comme arbitre la première personne qui va venir maintenant ici. Le hasard voulut que ce fût Muhammad. On avait confiance en son honnêteté. Il fit apporter une étoffe, l'étendit sur la terre, plaça la pierre sur l'étoffe, et appela les représentants de toutes les tribus pour soulever l'étoffe ; puis il mit la pierre lui-même à l'endroit voulu. Tout le monde en fut contents.
Un dernier incident à mentionner : les ouvriers qui apportaient les pierres pour la construction des murs, enlevaient leurs pagnes, les pliaient, et les mettaient sur leurs épaules pour ne pas être égratignés par des pierres. Muhammad ne le fit pas et eut les épaules blessés. A la suggestion de son oncle `Abbâs, il le fit, et la tradition dit qu'il tomba aussitôt évanoui pour s'être mis à nu. Il se recouvrit immédiatement et ne recommença plus.
La construction terminée, on la décora de statues et de fresques à l'intérieur comme à l'extérieur. On mentionne à l'intérieur les figures de la Madonne et de l'Enfant Jésus, ainsi que celles d'Abraham et d'Ismaël. On nous parle également de 360 idoles autour de la Maison d'Allah, la Ka'bah. L'édifice, construit pour le Dieu unique, devint ainsi un panthéon. Cela dut donner beaucoup à réfléchir à ceux des habitants qui avaient une notion plus élevée de la religion, et qui virent les pratiques religieuses dégénérer en culte d'idolâtrie pure et simple.
On avait appris à la Mecque comment les Banû Hanîfah, de l'Arabie orientale, avaient élevé une idole géante composée de farine et de dattes, et comment lors d'une famine ils étaient allés jusqu'à la couper en morceaux et la mangers. Dans le désert, s'il n'y avait pas de pierres, les Bédouins trayaient leurs chamelles même sur un amas de sable, puis y pratiquaient les actes d'adoration. Quelquefois, ils offraient aux idoles leurs produits laitiers (beurre, etc.. Les hommes, dans leur superstition, ne touchaient point à ces offrandes, mais il n'en pouvait être ainsi avec les chiens de la tribu, qui les léchaient et ensuite urinaient même sur les pauvres idoles.
Quel homme intelligent n'y trouverait à quoi réfléchir sur la puissance attribuée aux idoles ? A la Mecque même, on raconte qu'un certain individu prenait de jolies pierres pour les adorer, et chaque fois qu'il trouvait une pierre plus jolie, il jetait l'ancienne devenue sans valeur à ses yeux, et prenait la nouvelle comme objet de son culte.
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D'après Jâbir ibn 'Abd-Allah (qu'Allah soit satisfait des deux), alors que l'Envoyé d'Allah transportait avec Al-'Abbâs des pierres pour la reconstruction de la Ka'ba, Al-'Abbâs lui dit: "Pourquoi ne pas enlever ton izâr (pagne) et le mettre sur tes épaules au-dessous des pierres?". Le Prophète ôta son vêtement; le plaça sur ses épaules, mais il tomba bientôt évanoui; fixa ses yeux sur le ciel; puis se leva en s'écriant: "Mon izâr! Mon izâr". Il le remit ensuite autour de ses reines. (mouslim n°514)
Les rumeurs sur la venue d'un Prophète
Les rumeurs abondaient parmi les Gens du Livre sur la venue prochaine d'un prophète. Ces rumeurs étaient non sans fondement. D'abord, les gens étaient habitués à la succession des messagers à des intervalles de temps relativement courts. Il était même fréquent que des prophètes soient contemporains les uns des autres que ce soit dans les mêmes contrées ou dans des contrées voisines. Mais la situation changea après la venue de Jésus si bien que le sixième siècle faillit s'écouler sans qu'un nouveau prophète ne vienne. L'attente de ce réformateur tant attendu était d'autant plus grande que la terre s'était remplie de corruption et d'égarements. Il y avait des gens qui réprouvaient cette ignorance généralisée convoitant cette noble fonction et souhaitant être choisis pour elle.
Parmi eux figurait Umayyah Ibn Abî As-Salt dont la poésie parlait abondamment de Dieu et des qualités qui lui sont dues au point que le Messager - paix et bénédictions de Dieu sur lui - dit : "Umayyah faillit embrasser l'islam." `Amr Ibn Ar-Rashîd rapporte de la part de son père : "Un jour, j'allai voir le Messager de Dieu - paix et bénédictions de Dieu sur lui.
Il me dit : 'Connais-tu quelque chose de la poésie d'Umayyah Ibn Abî As-Salt ?'
- Oui, répondis-je.
- Vas-y (récite), dit-il. Alors, je récitai un vers. Puis, il me demanda de poursuivre si bien que je lui récitai cent vers."
Toutefois, la Destinée Suprême ignora tous ces aspirants parmi les poètes et autres orateurs et confia le grand dépôt à un homme qui n'y aspirait pas et n'y pensait même pas : "Tu n'espérais nullement que le Livre te soit révélé. Ceci n'a été que par une miséricorde de ton Seigneur. Ne sois donc jamais un soutien pour les infidèles" [sourate 28, Le Récit, verset 86]
L'élection pour les grandes missions ne se base pas sur l'ambition mais plutôt sur la capacité de s'en acquitter. Combien nombreux sont les ambitieux ne possèdant que le culot d'espérer ! Et combien nombreux sont les gens de qualité occultés par le silence et qui font des merveilles lorsqu'on leur confie des responsabilités ! La valeur des gens n'est connue que par leur Créateur. Celui qui veut la guidance pour le monde entier choisit pour cette fin grandissime des gens tout aussi grands. Les Arabes du temps de la jâhiliyyah tenaient Mohammad - paix et bénédictions sur lui - en grande estime et respectaient dans sa vie les valeurs nobles qu'il incarnait parfaitement. Mais ils n'imaginaient pas du tout que l'avenir de la vie serait lié à son avenir et que la sagesse abonderait de sa bouche pure, se répandant dans les steppes et les déserts et enjambant les abîmes et les montagnes. Ils ne voyaient de lui que ce que voit l'enfant de la surface de la mer, diverti par le plan calme de ce qui se
passe dans les profondeurs lointaines.
L'élection divine de Mohammad se fit par surprise, surprise dont la frayeur se dissipa assez vite. Puis, le dos endurant se stabilisa sous son fardeau et poursuivit sa voie dirigé et soutenu par Dieu. La révélation se poursuivit pendant vingt-trois ans au cours desquelles les versets étaient envoyés en fonction des événements et des circonstances. Cette longue période chargée correspond à la phase de l'instruction et de l'enseignement. Dieu - Glorifié soit-Il - instruisait Son Messager et le Messager recevait ces enseignements en direct, les assimilait, puis les enseignait à son tour aux gens et les y exhortait.
La révélation du Coran selon ce schéma était voulu par le Sage Législateur car le temps est une partie intégrante de la thérapie des esprits, et du traitement de la politique des nations et l'établissement des lois. La cohérence du Coran dans ses finalités et ses sens - malgré la longueur de la période de révélation - peut en soi être considéré comme l'une des dimensions de son inimitabilité. En effet, ses conclusions - au bout d'un quart de siècle - étaient conformes et en harmonie avec ses préliminaires, se confirmant mutuellement et se complétant comme si le tout avait été révélé d'une traite.
Les Arabes s'interrogèrent sur la raison pour laquelle le Coran était révélé de cette façon. "Et ceux qui ne croient pas disent :
Le Coran explique la réalité de la religion au regard de Dieu et l'historique de cette réalité. Dans son message général, il cite les suspicions qui s'opposent à lui et les réfutent. Il argumente en parfaite connaissance des opinions de ses adversaires. Il poursuit jusqu'au bout toutes les objections formulées à son égard puis les écrase par son argumentation. Le Coran fit ses débuts parmi des gens imprégnés par la mécréance, habitués à la polémique, à croire que le destin avait choisi cet environnement réunissant tout ce qui se fait en matière de doute et le sommum de ce que le faux peut déployer comme défi. Si, dans ces conditions, l'islam était capable de dissiper le doute et de surmonter les obstacles alors plus rien ne saurait l'arrêter !
Les questions qui étaient adressées au Prophète - paix ete bénédictions de Dieu sur lui - ou celles que l'on pourrait lui poser sur toutes sortes de croyances et de lois trouvèrent des réponses satisfaisantes dans le Coran, étant entendu que la question ne représente pas le besoin de celui qui la pose uniquement mais le besoin de tout le monde au fil des jours. Dans cette ambiance pleine d'interrogations, pour essayer de comprendre, ou par réprobation, l'inspiration (ilhâm) dirigeait sans cesse le Messager - paix ete bénédictions de Dieu sur lui : Dis ceci, dis cela. Les versets commençant par cette injonction en réponse à une question posée ou une question attendue sont de ce fait très nombreux.
A la lecture de ces réponses détaillées, nous sentons un flot de certitude envahir notre coeur comme si elles tranchaient les doutes qui nous harcelaient ou étaient susceptibles de nous harceler. Seul le Message éternel peut établir des liens aussi forts avec la conscience des hommes. Le Coran est un messager vivant. Si nous l'interrogeons, il nous répond et si nous l'écoutons, il nous convainc. Voyons comment il fonde la croyance en la résurrection et au jugement ; comment il rappelle la globalité de la Volonté et de la Puissance tout en répondant à une question posée, et de quelle manière il formule les idées sous la forme d'un dialogue fluide et d'un débat incessant où il défie ses opposants jusqu'à la fin des temps : "L'homme ne voit-il pas que Nous l'avons créé d'une goutte de sperme ? Et le voilà [devenu] un adversaire déclaré ! Il cite pour Nous un exemple, tandis qu'il oublie sa propre création ; il dit :
:
Il s'agit là d'une parabole basée sur l'observation juste. Elle ne dépend ni du temps ni du lieu car elle s'adresse à la raison dont l'hmanité entière est douée. Elle révèle la sagesse de la révélation fragmentaire du Coran étant donné que les versets apportaient des instructions au Messager : Dis telle et telle chose, en réponse aux questions qui lui étaient posées tout au long de ses périples ici ou là pour appeler à Dieu. Puis, la question et la réponse sont conservées en guise de connaissance profitable pour les hommes jusqu'à la fin des temps.
L'injonction "Dis" retint l'attention des savants : il s'agit d'un enseignement dispensé par Dieu à Son Messager, et un enseignement du Messager aux hommes. Cette injonction est suivie de paroles comprenant toutes sortes de conseils, d'exhortations et de règlements que Dieu veut nous prodiguer. Lorsque les païens - comme d'habitude - voulurent déplacer le débat de la réalité de la religion vers la personne du Messager et de ses disciples, la révélation recadra le sujet : "Dis :
Notons comment l'essentiel est démêlé des ténèbres de la polémique ! Qu'est-ce que le sort du Messager et de ses disciples change pour vous ? Pensez plutôt à vous-mêmes : voyez comment les mythes vous ont ont égaré et vous ont mis en péril. Le Messager de Dieu et ceux qui sont avec lui ne pensent pas à leur propre intérêt ; ce sont des appeleurs au Miséricordieux, ils ont cru en Lui et placé leur confiance en Lui. Si vous le souhaitez, la voie vers le Miséricordieux est maintenant pavée !
Il n'est pas nécessaire qu'une question soit posée lorsque la parole venant de Dieu commence par "Dis". En effet, le discours peut débuter de cette manière lors de l'exposition des fondements de l'Appel (da`wah) et des règles de bonne conduite qui le régissent et ce, pour faire connaître l'islam et son prophète amplement et de manière convaincante éradiquant le doute avant même qu'il ne naisse : "Dis :
3, Les Bestiaux, versets 161 - 164]
Ce discours adressé au Messager comprend une injonction à tout être humain, de son époque ou des époques suivantes, de méditer - avec sa raison - le message qui lui est révélé, et de juger en son âme et conscience de la véridicité et de la sincérité du message. Si une foi pénètre son coeur, il s'agit de la foi au Seigneur de toute chose et le rôle du Messager s'achève là. Son rôle prend fin lorsque la raison et le coeur sont liés à leur Créateur et que le droit chemin qui y mène est clair. A chacun incombe ensuite la responsabilité de faire le bien ou de commettre le mal. Le Messager - paix et bénédiction de Dieu sur lui - n'est ni un intermédiaire qui t'apporterait un bien que tu aurais accompli, ni un sacrifice qui écarterait de toi un châtiment que tu aurais mérité car chacun n'acquiert le mal qu'à son détriment et personne ne portera le fardeau d'autrui... Sur ce plan, apparait l'importance de la distance séparant le christianisme et l'islam.
L'islam renchérit la valeur de l'homme et lui donne son juste salaire pour les actes nobles comme pour les actes vils. En revanche, dans le chritianisme, la place de l'individu est telle qu'il ne peut se lier au Seigneur des Mondes de son propre chef. Il lui faut un intermédiaire qui porte son sacrifice et accepte son repentir. Mais quel est cet intermédiaire ? Un prétendant ! Lorsque l'on pèche, ce n'est pas lui qui est châtié. Le sacrifice a été immolé il y a longtemps pour ses péchés et on lui demande seulement d'y croire pour être sauvé, si tant est qu'il veut le salut !
Ce tâtonnement nécessite des locomotives puissantes pour avancer dans la vie en dépit du bon sens et de la justice. En revanche, en islam, Dieu dit à Son Prophète - paix et bénédiction de Dieu sur lui - une parole qui ouvre les yeux et les esprits : "Dis :
et appliqué par le Prophète de l'islam.
Dans ses débuts, l'islam rencontra une résistance extrêmement violente de la part de l'idolâtrie qui prédominait à l'époque. Cette dernière ne rendit pas les armes après une bataille ou deux. Non, elle lutta désespérément pour chaque empan de terre. On pensait que ses forces s'étaient effondrées une fois que le Messager avait accompli sa mission et s'en était retourné auprès du Compagnon Suprême. Mais la péninsule arabique toute entière eut un soubresaut sous le caliphat d'Abû Bakr et les musulmans se trouvèrent au milieu d'un torent d'apostasie aveugle qu'ils combattirent de nouveau. Ils le vainquirent non sans essuyer des pertes plus importantes que celles essuyées du vivant du Prophète - paix et bénédictions de Dieu sur lui - dans sa lutte contre ces associateurs.
Les hommes qui s'accrochèrent fermement à la vérité après le départ de leur prophète sont les musulmans véridiques car l'islam lie les hommes à des principes et non à des individus. Par conséquent, Dieu enseigna à Son Prophète et, par l'intermédiaire de ce dernier, Il enseigna aux musulmans de s'attacher à la vérité qu'ils connaissaient et de s'y accrocher quand bien même on les combattrait et leur déclarerait la guerre.
Le monde ici-bas est plein de moyens d'égarement. Il essaye avant tout de ne laisser en son sein aucune place à la foi. Lorsque la foi remporte une victoire après de longues peines, le monde ici-bas tente de l'amadouer afin qu'elle concède une chose et se contente d'autre chose. Si le monde ici-bas réussit à piéger la foi progressivement, il serait en mesure de lui porter un coup fatal. Aussi les commandements de Dieu dans Son Livre stipulant que la foi est un tout non fractionnable furent-ils décisifs. La lutte avec les mécréants concernant cette vérité ne doit s'apaiser. Par conséquent, il est impératif de s'attacher à ces enseignements intimement liés ! Sur ces enseignements se fondent l'amour et la haine comme la paix et la guerre car la part de l'émotion dans le service du credo est aussi importante que la part de la raison.
Les versets relatifs à ce sujet sont autant de commandements aux musulmans sous la forme de discours adressé au Prophète - paix et bénédictions sur lui : "Ô Prophète ! Crains Allah et n'obéis pas aux infidèles et aux hypocrites, car Allah demeure Omniscient et Sage. Et suis ce qui t'est révélé émanant de Ton Seigneur. Car Allah est Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. Et place ta confiance en Allah. Allah te suffit comme protecteur." [sourate 33, Les Coalisés, versets 1 - 3] Le Prophète - paix et bénédiction sur lui - n'est pas sujet à une quelconque velléité d'obéir aux infidèles ou aux hypocrites pour qu'une mise en garde lui soit adressée. Ce sont bien nous qui sommes les destinataires de ces instructions.
De même : "[...] Appelle les gens vers ton Seigneur et ne sois point du nombre des Associateurs. Et n'invoque nulle autre divinité avec Allah. [...]" [sourate 28, Le Récit, versets 87 - 88] Or, le Messager - paix et bénédictions sur lui - déclara la guerre à l'associationnisme et aux idoles dès le début de sa mission. Il enseigna cet antagonisme aux gens et l'on ne peut s'attendre à rien d'autre de sa part.
Et aussi : "Ne regarde pas avec envie les choses dont Nous avons donné jouissance temporaire à certains couples d'entre eux, ne t'afflige pas à leur sujet et abaisse ton aile pour les croyants." [sourate 15, Al-Hijr, verset 88] "[...] Et n'obéis pas à celui dont Nous avons rendu le coeur inattentif à Notre Rappel, qui poursuit sa passion et dont le comportement est outrancier. Et dis :
Les exégètes dirent : On s'est adressé à la Ummah dans la personne de son Prophète tout comme les ordres sont donnés au commandant alors que ce sont les soldats qui exécutent. On dit aussi : C'est le Prophète - paix et bénédiction sur lui - qui est le destinataire du discours car cela émule les fidèles et stimule leurs énergies. En effet, on dit au fort dont la détermination est apparente : "ne faiblis pas ", et au sage en possession de ses esprits : "ne sois pas étourdi" alors que l'on ne craint pas pour eux la faiblesse ni l'étourderie. Cela vise simplement à les inciter à rester forts et alertes. Le courageux défie davantage la mort lorsqu'on lui dit de ne pas se laisser gagner par la peur...
Quelle que soit l'interprétation retenue, le Messager - paix et bénédictions sur lui - est le modèle par excellence, et sa conduite reste exemplaire pour les gens. Il reçut l'ordre, et nous à son instar, de se méfier des égarés, de s'éloigner de leurs moeurs et de leurs oeuvres et de dédaigner les bien qu'ils ont amassés et leur vanité. En fait, il arrive souvent que la vérité faiblisse et il devient difficle de s'y accrocher et que le faux se fortifie et les tentations de se lier d'amitié avec lui ou de faire la paix avec lui se multiplient. Il est par conséquent naturel que les croyances exigent de la part de leurs adeptes qu'ils veillent à renforcer leurs rangs et s'insurgent de tout ce qui leur porterait atteinte même de loin.
Il n'est donc pas étonnant que les commandements qui régissent ces sentiments ne soient pas dépourvus de fermeté. D'ailleurs, y aurait-il plus ferme que lorsque Dieu s'adresse à Son Prophète disant : "[...]
Les propos des exégèses susmentionnés valent également pour le verset "Et si tu es en doute sur ce que Nous avons fait descendre vers toi, interroge alors ceux qui lisent le Livre révélé avant toi. La vérité certes t'est venue de ton Seigneur : ne sois donc point de ceux qui doutent. Et ne sois point de ceux qui traitent de mensonge les versets d'Allah." [sourate 10, Jonas (Yûnus), versets 94 - 95] Le discours s'adresse au lecteur ou à celui qui l'entend ou au Messager - paix et bénédictions sur lui - en personne à titre d'émulation et d'incitation comme nous l'avons précisé car, en réalité, le Messager - paix et bénédictions sur lui - n'a point douté au sujet de sa mission prophétique. Il s'agit simplement de supposer l'impossible comme dans le verset : "Dis : si le Miséricordieux avait un enfant, je serais le premier à l'adorer." [sourate 43, L'Ornement, verset 81]
Mais pourquoi interroger les gens du Livre ? Les exégètes dirent qu'il s'agit d'interroger les justes parmi eux, ceux qui ne taisent pas le témoignage de la vérité lorsqu'on les sollicite. Pour ma part, les justes et véridiques parmi les gens du Livre sont une minorité qui ne peut servir d'argument et, par conséquent, je ne pense pas qu'ils soient visés par le verset. En revanche, on s'aperçoit mieux de la valeur du bien que l'on possède lorsqu'on voit la confusion dans laquelle vivent les autres. Si tu doutes un instant que leCoran émane de Dieu et que tu feuillettes les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, tu t'empresseras de retourner à ton Livre pour t'y accrocher et tu loueras Dieu mille fois pour t'avoir guidé !
Il me semble que c'est ce qui est entendu par ce verset dans la mesure où la vérité que comporte l'islam est d'autant plus manifeste que les autres religions ont subi des altérations. De plus, ceci est conforme à la parole du Très Haut : "[...] Mais si tu suis leurs passions après la part de science que tu as reçu, tu n'auras contre Allah ni protecteur ni secoureur." [sourate 2, La Génisse, verset 120] Notre compréhension de ce noble verset est appuyée par le hadîth rapporté par Al-Bukhârî selon Ibn `Abbâs : "Ô Musulmans ! Comment interrogez-vous les gens du Livre alors que votre Livre, révélé à votre prophète, est le Livre divin le plus récent et que vous le récitez comme s'il venait d'être fraichement révélé ? De plus, Allâh vous a informé que les gens du Livre ont altéré et modifié le Livre d'Allâh et l'ont rédigé de leur propre mains puis ont prétendu qu'il émanait d'Allâh pour obtenir ainsi un vil prix. La science que vous ave reçue ne vous défend-elle pas de les interroger ? Par Allâh, nous n'avons jamais vu personne parmi eux vous interroger sur ce qui vous a été révélé !"
L'islam, sur le plan rationnel, consiste à connaître la vérité, et sur le plan affectif, il consiste à aimer la vérité et à l'honorer et à détester le faux et s'y opposer ouvertement. Il y a des gens à sang froid qui avancent une opinion et son contraire ! Ceci est concevable dans les questions futiles. Mais, ce n'est pas du tout le cas en ce qui concerne la foi et l'athéisme, l'immoralité et la dignité...
Dieu enseigna à Son Messager le Livre et la Foi si bien qu'en guise de reconnaissance de la part du Messager - paix et bénédictions sur lui - de ce bienfait divin, celui-ci garda sa Foi et honora son Coran ; il vécut par eux et pour eux, se battit et fit la paix pour eux. Ses ennemis aurait tant souhaité qu'il leur fasse la moindre concession mais en vain ! "Ils aimeraient bien que tu transiges avec eux afin qu'ils transigent avec toi."[sourate 68, La Plume, verset 9] La nation (ummah) qui mérite de s'en réclamer est celle qui lutte pour la vérité et ne permet pas qu'elle soit outrepassée. Cette nation se caractérise aussi par une idée et une méthodologie. Elle se fonde matériellement et moralement sur les efforts qu'elle fournit dans ce sens et les fruits qu'elle fait pousser.
Les retraites spirituelles du Prophète (saws) avant la révélation
La famille de Muhammad était en général idolâtre, comme les Mecquois moyens, et elle détenait même quelques fonctions cultuelles publiques, telles qu'approvisionner les pèlerins en eau sacrée de Zamzam, etc. Depuis la reconstruction de la Ka'bah, on remarqua chez Muhammad un réveil de la conscience spirituelle. Déjà son grand-père, 'Abd al-Muttalib, se retirait dans la caverne de Hirâ' pendant le mois de Ramadân. A son tour Muhammad fut lui aussi attiré par cette vie, et y trouva un moyen de calmer son esprit.
Chaque année, il passait tout le mois de Ramadân dans cette même grotte, dans la banlieue de la Mecque, en méditation et en vie ascétique. De temps en temps, sa femme lui envoyait des provisions ; parfois il rentrait lui-même chercher ce qui lui manquait. Il y eut voyageurs égarés, avec lesquels Muhammad partagea ses maigres provisions. Quand il rentrait de cette retraite, il se rendait d'abord à la Ka'bah, pour y faire les 7 tours rituels, avant de revenir chez lui.
Il est bizarre de lire dans ce texte d'Ibn Hichâm et de Maqrîz" qu'il faisait cette retraite pieuse en compagnie de sa femme Khadîjah. Elle devait normalement venir le voir de temps en temps pour apporter de nouvelles provisions. Toutefois elle n'était pas là la nuit de la première révélation : elle était alors chez elle à la Mecque.
Cette caverne se trouve sur le haut de Hirâ', qui se trouve au sommet du Mont Nûr (littéralement : Lumière). Situé à un kilomètre à peine de l'emplacement de la maison de Muhammad, le Mont Nûr présente un aspect très singulier ; on l'aperçoit d'ailleurs de très loin parmi les nombreuses montagnes qui l'entourent. La caverne de Hirâ' est construite avec des rochers éboulés et entassés, qui en forment trois côtés ainsi que la voûte.
Elle est assez haute pour permettre à un homme de rester debout, sans que sa tête touche la voûte ; et elle est assez allongée pour qu'il puisse s'y coucher. Par un curieux hasard, l'allongement de cette cavité se dirige vers la Ka'bah. Au sol, le roc est assez plat, et on peut y étendre des draps pour y faire une couchette.
L'entrée est constituée par une petite ouverture placée assez haut, ce qui oblige à monter plusieurs marches, faites de rochers, avant d'y pénétrer. On ne sait pas pourquoi on a appelé ce sommet le Mont Lumière.
Il est près de la route qui va de la Mecque à l'esplanade de Minà, où les pèlerins de la Mecque vont passer plusieurs jours. Il se pouvait qu'on allumât du feu sur cette montagne, pour servir de guide aux égarés dans la nuit, pratique assez répandue à cette époque dans la région. Puisqu'on allumait un feu sur une colline de Muzdalifah, comme nous le savons, il n'y a pas de raison pour qu'elle eût été la seule entre `Arafât et la Mecque, car les pèlerins qui venaient des quatre coins de la Péninsule devaient passer là.
On ne sait pas grand' chose sur l'évolution de la pensée religieuse de Muhammad durant ces retraites. Comme il s'y rendait chaque année, il faut croire qu'il y trouvait une consolation spirituelle. Les biographes disent que Muhammad commença à avoir « des rêves clairs comme l'aube » : tout ce qu'il voyait dans le sommeil, il en trouvait la signification ou la réalisation dans les faits des jours suivants. Puis il entendait quelquefois une voix étrange : il tournait la tête de côté et d'autre, et ne trouvant personne, s'étonnait et s'effrayait. La voix de l'invisible devint ensuite plus fréquente, et elle prit un sens : on dit que Muhammad entendait quelquefois une voix venant des rochers ou des arbres, qui le saluait en l'appelant par son nom'.
Il avait atteint l'âge mûr, et six mois avant le Ramadân dont nous allons parler, il avait célébré son 40° anniversaire. Le mois de Ramadân arriva, et apparemment pour la cinquième fois, il se rendit dans la solitude, à la caverne de Hirâ'. Plusieurs semaines passèrent sans incident ; puis, la nuit qui précéda le 27e jour de ce mois, il eut une étrange vision ; un être de lumière lui adressa la parole. En voici le récit de sa propre bouche : Il m'apprit qu'il était l'ange Gabriel, que Dieu l'avait envoyé pour m'annoncer qu'Il m'avait choisi pour Son messager. L'ange m'apprit à faire mes ablutions, et lorsque je revins purifié dans le corps, il me demanda de lire. Moi de répondre
Je ne sais pas lire. Il me prit dans ses bras et me serra très fort, et me.laissant ensuite, il me demanda encore une fois de lire. Je lui dis : mais je ne sais pas lire. Il me serra de nouveau et plus fort, puis me demanda de lire, et je répondis que je ne savais pas lire. Il me prit dans ses bras la troisième fois, et m'ayant serré plus fortement que jamais, il me relâcha et dit
« Lis par le nom de ton Seigneur qui a créé, qui a créé l'homme d'un caillot de sang. Lis ! Car ton Seigneur, le Très Noble, c'est Lui qui a enseigné par la plume. Il a enseigné à l'homme ce qu'il ne savait pas »I.
Puis l'ange partit. On ne sait pas exactement la suite des événements. Il paraît qu'un autre jour, Muhammad eut une vision plus étrange et plus effrayante encore : il vit l'ange assis dans le vide de l'atmosphère. Stupéfait, il ne put plus bouger, jusqu'à ce que les agents envoyés par sa femme vinssent le chercher pour l'emmener à la maison.
On raconte aussi qu'une fois le Prophète rentra tremblant chez lui, et s'enveloppa d'une couverture avant de se calmer ; il se peut qu'il s'agisse là du même incident. Les versets du Qur'ân2 où se trouve la formule : « Eh, toi en couverture », se réfèrent à cet événement, même s'ils ont été révélés à une époque postérieure.
Lors de la première révélation, cette inspiration divine par l'intermédiaire d'un ange, il n'y avait personne pour en témoigner, mais plus tard, quand les mêmes faits se répétèrent, il y eut des témoins, car pendant les 23 ans qui suivirent un nombre plus ou moins grand de ses fidèles purent parfois l'observer. La façon dont la révélation se faisait est décrite par le Prophète lui-même et par ses Compagnons, témoins oculaires.
Ainsi le Prophète dit : « Parfois elle me vient comme le son de la cloche battant -et c'est là la plus dure- puis cela cesse, cependant que je retiens tout ce qui a été dit, bien gravé dans ma mémoire. D'autres fois l'ange m'apparaît sous la forme d'un homme pour me parler, et je retiens bien ce qu'il dit » (Bukhârî, 1/2). Dans la version d'Ibn Hanbal (2/222), le Prophète entendait d'abord comme si on battait le métal ; à ce moment il s'apprêtait en faisant attention, à recevoir le message qui allait être communiqué ; « A quelque occasion que m'arrive la révélation, il n'y en a pas une où je ne pense que mon âme va quitter mon corps ».
Ses compagnons témoignent à leur tour de leurs propres observations : « Quand la révélation lui venait, une sorte de repos (immobilisme) le saisissait » (Ibn Hanbal 6/103).
« Quand la révélation lui venait, il restait assommé un moment comme s'il était intoxiqué ou hypnotisé » (Ibn Sa'd, I/i, p. 131). Ou : « Si la révélation lui venait même un jour de très grand froid, on le voyait ensuite transpirer du front abondamment » (Bukhârî, 1 /2). Ou : « Un jour que la (révélation) était sur le point d'arriver, il rentra sa tête (dans son manteau) ?) et voilà que le visage du Prophète était devenu rouge et il ronflait ; puis cet état s'en alla » (Bukhârî, 25/17, 26/10).
Un jour un nouveau converti (Ya'là ibn Umaiyah, selon Samhûdî), était curieux de voir le Prophète au moment où il recevait la révélation. 'Umar lui fait signe de s'approcher, soulève un peu le voile dont le Prophète s'était couvert ce jour-là, et cet homme voit que « le visage du Prophète était congestionné et il gémissait » (Bukhârî, 64/56, N° 5). Ou : « Quand la révélation lui venait nous entendions près de lui un bourdonnement comme le bourdonnement des abeilles » (Ibn Hanbal 1/34 ; Tirmidhî, ch. Tafsîr, sourate, 23/1).
Ou : « Le Prophète éprouvait une dureté tuante, lors de la révélation » (Ibn Hanbal, 1/464). Ou : « ... il éprouvait une dureté et remuait ses lèvres » (Bukhârî, 97/3).
Ou : « il remuait sa tête comme s'il essayait de comprendre » (Ibn Hanbal, 1/318). Une autre série de récits nous apprend qu'il pesait alors très lourd. Ainsi l'un rapporte : « J'ai vu la révélation lui venir alors qu'il était sur sa chamelle et celle-ci mugissait et se tordait les jambes de sorte que je craignais qu'elles ne se rompent. Parfois elle s'asseyait, et parfois elle restait debout, les jambes fichées comme les pieux, jursqu'à la cessation de cet état, et cela à cause du poids de la révélation ; et alors la transpiration lui traînait en perles » (Ibn Sa'd, I/i, p. 131, 132).
Ou : « Son poids rompait presque les jambes de sa chamelle » (Ibn Hanbal, VI, 455, 4'58).
Ou : « La chamelle s'agitait tellement fort que parfois le Prophète préférait descendre par terre » (Ibn Hanbal, 2/176, 6/455, 6/458). Pareil récit quand il était monté sur un cheval (Tabar"i, Tafsîr 26/39). Zaid ibn Thâbit raconte de la façon suivante. son expérience personnelle : « Lors d'une journée d'affluence, où tout le monde était assis par terre quand une révélation commença, son genou se trouva sur ma cuisse et pesait si lourd que je craignais que mon fémur ne se rompe » (Bukhârî, 8/12, 56/31, 65/4/18 bis N° 1 ; Ibn Hanbal 5/184).
Dans une autre version, il y a cette addition : « S'il ne s'était pas agi du Prophète de Dieu, j'aurais poussé un cri et retiré ma jambe ». D'autres récits disent : « La révélation lui est venu un jour quand il était debout sur la chaire de prédication (minbar) de la mosquée, et il resta immobile jusqu'à la cessation de la communication céleste » (Ibn Hanbal, 3/21).
Ou : « Il tenait un jour un morceau de viande (d'os) dans sa main (lors du repas), quand une révélation vint à lui ; et quand elle prit fin, le morceau était toujours en sa main » (Ibn Hanbal, 6/56).
A de telles occasions, le Prophète s'étendait parfois sur le dos, quelquefois son entourage lui couvrait même respectueusement le visage d'une pièce de tissu, selon les circonstances. Mais jamais il ne perdait conscience ni le contrôle de soi, encore moins s'agitait il.
Dans les premiers temps de sa mission, il avait l'habitude de répéter à haute voix ce qu'il entendait, au cours même de la révélation, mais dès avant l'Hégire de Médine, à la Mecque, il abandonna cette habitude et se tint tranquille, silencieux jusqu'à ce que la révélation prît fin, et c'est alors qu'il communiquait le message divin à son entourage et le dictait à ses secrétaires (comme l'atteste le Coran, 75/16) : « N'en remue pas pour autant ta langue avec ceci, comme pour te hâter ». Et encore (20/ 114) : « ... ne te hâte pas avec cette Lecture avant que soit achevée pour toi sa révélation, et dis :
O mon Seigneur, fais moi croître en science ». Revenant à l'état normal, il appelait un de ses compagnons lettrés, pour lui dicter la nouvelle révélation, et prescrivait la place exacte qu'elle devait prendre dans l'ensemble, afin de la publier dans la communauté en multipliant les copies. Dans son al-Mab `ath wa'I-maghâzî (§ 192, éd. Rabat, 1976, sur la base du MS de Qarawîyîn), Ibn Is'hâq dit : « toutes les fois qu'un fragment du Coran était révélé, le Prophète le récitait d'abord dans l'assemblée des hommes, puis dans l'assemblée des femmes ». (On voit que l'éducation des femmes lui était très chère). Nous reviendrons sur la codification du texte coranique par le Prophète. Les sources (comme Tabarânî (cité par Haithamî, Majma` az-zawâ'id, I, 150, VII, 257, au sujet de Zaid b. Thâbit ; signalé aussi par Ghulâm Rabbâni,
Tadwîn-é-Hadîth, p. 228, en urdu) précisent que toutes les fois qu'il dictait, le Prophète demandait au scribe de lui lire ce qu'il avait noté, pour pouvoir corriger les déficiences s'il y en avait. Au dire de Muhammad lui-même, l'archange lui apparaissait sous des formes différentes selon les occasions : quelque fois comme un homme, quelquefois comme un être volant avec des ailes, et quelquefois sous d'autres formes étranges.
La question de forme ne doit pas nous attarder ; nous devons nous occuper du fond, du message que Muhammad communiqua. Avec l'an 40 de sa naissance (609 ap. J.-C.), se clôt la première période de la vie de Muhammad, sa vie privée, et commence sa vie publique, sa mission.
L'imminente arrivée de la révélation
D'après At-Tirmidhî et Ad-dârimî et Al-Hâkim, `Ali Ibn Abî Tâlib - que Dieu l'agrée - dit : "J'avais l'habitude d'accompagner le Prophète - que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui - partout où il allait à la Mecque. Un jour, nous partîmes dans l'une des régions de la Mecque et chaque fois que nous passions près d'un arbre ou d'un rocher, ils saluaient le Prophète disant : "Que le salut soit sur toi, Prophète de Dieu".